Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/838

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prévenue, ce qui est fort bien encore, mais c’est à l’aide de règlemens obligatoires remis à la garde du recteur. Il permet ou défend à son gré de faire venir du vin dans l’île, il réglemente le régime des cantines, nomme et révoque les cantiniers et les cantinières, fixe les heures de fermeture des cabarets ; il établit enfin, dirions-nous, si ce n’était un trop grand mot pour un si petit théâtre, de véritables lois somptuaires. Ces mesures sont acceptées, on ne crie pas à la tyrannie, le bon accord règne entre les autorités et les subordonnés. En rendant justice à ces résultats, nous avons dû ajouter que ce type de société ne mérite pas les éloges qu’un goût trop vif pour les anciens usages pourrait inspirer en se joignant à une sorte d’engouement pour ce qui est extraordinaire. Si l’on comprend, après de tels détails, que certaines personnes en Bretagne parlent des îles sur un ton presque mystérieux comme s’il s’agissait de terres lointaines, ou de quelque île de Crète gouvernée par quelque Minos, on ne peut attacher à ces faits plus d’importance qu’ils n’en comportent. Houat et Hoëdick, que nous nous sommes plu, à cause de leurs singularités, à détacher pour ainsi dire en relief sur le fond des mœurs de la Bretagne, sont, ne l’oublions pas, des points sur la carte de la France, non pas même des communes, mais de simples annexes de la commune de Palais. Houat n’a guère plus de 4 kilomètres de long et de 1 kilomètre de large. Hoëdick est de un tiers moins étendue. La superficie totale de l’île est de 217 hectares à peu près, selon le cadastre, et sur ce nombre, 70 seulement sont cultivés. Ils forment quatre grands champs morcelés, et entourés de murs qui les séparent des landes, des falaises et des petites communes. Enfin le nombre des habitans, bien qu’il se soit accru, n’est que de 361. D’autres îles du Morbihan ont une importance notablement plus grande comme étendue et population. L’Ile aux Moines, la plus belle de la baie, a 1,629 habitans ; l’île d’Arz en a 1,229. Nous n’y relèverons pourtant rien de particulier, si ce n’est parfois cette interversion du rôle des deux sexes qui a ses inconvéniens, et qui paraît toucher à sa fin par une cause dont il n’y a pas lieu de se féliciter : la décadence de la grande pêche et le moindre développement de la marine marchande.

Nous avons reproduit fidèlement, quoique incomplètement sans doute, le tableau de ce qui subsiste des anciennes mœurs de la Bretagne ; il sera d’ailleurs difficile de ne pas y toucher encore accessoirement en exposant l’état économique des populations, auquel nous consacrerons une seconde étude.


HENRI BAUDRILLART.