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surabondantes libations, et auxquels assistent les femmes, ce qui ne se voyait pas dans l’ancienne Bretagne. Ce sont surtout les régions prospères des côtes qui ont vu se développer ces fâcheuses habitudes malheureusement en progrès constant. C’est aussi le plus souvent dans ces contrées que le cultivateur moyen joint à ces consommations superflues le goût d’un certain luxe et d’aises assez coûteuses, la possession d’un cheval et d’une voiture pour l’usage personnel, une table plus dispendieuse. Il s’agit là d’une minorité, mais elle est assez nombreuse pour que ce mal mérite d’être signalé, il doit l’être d’autant plus qu’il est loin d’être partout étranger à la gêne de la culture dans la situation critique qu’elle traverse péniblement depuis les dernières années.

Tel est le tableau des qualités et des défauts qui caractérisent les populations bretonnes, si on rapproche le présent d’un passé qu’il ne faut pas faire remonter très haut. Il serait incomplet pourtant, si on n’y ajoutait quelques observations sur la famille.


V. — LA FAMILLE, LA POPULATION.

On peut dire qu’elle s’offre aujourd’hui sous des traits en général assez analogues à ce qu’elle était il y a quarante ou cinquante ans, et même à une date antérieure, malgré quelques modifications dont il y a lieu de tenir compte. L’état en est presque toujours satisfaisant. Ici encore ôtez le terrible vice d’intempérance, qui produit les mauvais ménages, les brutalités maritales, les abandons de l’enfance, la ruine qui atteint les ressources et jusqu’aux forces mêmes qui les créent, et presque tout ira bien. La femme, dans ces campagnes, est simple, courageuse, pieuse et fidèle à tous ses devoirs. Elle reste tenue dans un état de subordination quelque peu excessif qui rappelle un état social primitif. Non pas que les exceptions ne soient nombreuses ; elles le deviennent chaque jour davantage dans les exploitations de quelque étendue, où la femme d’un niveau plus élevé entre en participation de la gestion des biens et est consultée dans tous les achats. Nous aurons aussi à signaler une situation où le rôle de la femme prend une importance exceptionnelle, c’est-à-dire dans les îles et sur certaines parties des côtes où le mari est entièrement retenu par des occupations maritimes. Les remarques présentes s’appliquent à la grande majorité des moyennes et des petites fermes ou closeries. Là nous trouvons la femme humble et soumise, façonnée au joug de l’homme. Pour ne pas montrer les choses sous un trop beau jour, nous dirons qu’en certains cas elle paraît un peu trop semblable à une domestique sans gages. Elle fait le ménage, ce qui est dans ses fonctions naturelles, elle sert les hommes