Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/701

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne voit donc pas bien ce que Tiennent faire dans le livre de M. Bateau les récits des Zinzerling (1612), des Ponlanus (1663), des Hentzner (1598), et encore moins ceux des Lippomano (1577) et des Tasse (1571). Ou plutôt, on tombera d’accord que si M. Babeau les avait négligés, son livre en eût été du coup amélioré d’autant.

Je crois enfin que M. Babeau n’avait point à se préoccuper, malgré son titre, des voyageurs français en France pendant les deux derniers siècles, et surtout de ceux qui, comme Chapelle, comme La Fontaine, comme Regnard, bien loin d’y voyager en observateurs, n’ont guère songé, en voyageant, qu’à tourner d’agréables épîtres ou d’amusans couplets :


A Rouen, laides et belles,
Comme partout l’on trouva.
Les filles de l’Opéra,
Comme à Paris sont cruelles.
Enfin, rien n’est différent
Dans les jeux, dans les ruelles,
Enfin, rien n’est différent,
Hors qu’on parle mieux normand.


Mais Regnard, La Fontaine et Chapelle, M. Babeau s’est dit sans doute que son livre en prendrait un aspect « littéraire ; » comme si c’était de littérature ici qu’il s’agissait. Avait-on donc insinué que M. Babeau ne connût point ses auteurs ?

Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait, après cela, quelque chose à prendre dans ce livre. Les indications bibliographiques en seront surtout précieuses. Outre les renseignemens dont les historiens de l’ancien régime feront quelque jour leur profit, renseignemens positifs et dès à présent acquis, — citations curieuses, anecdotes caractéristiques, traits de mœurs trop ignorés, — les livres où M. Babeau nous renvoie ne sauraient manquer d’en contenir bien plus encore. Voici, par exemple, un certain Martin, que je dois avouer que je ne connaissais point, simple voyageur de commerce, lequel n’est assurément ni Regnard, ni La Fontaine, mais dont les Voyages ne forment pas moins de quatre bons volumes et semblent contenir les observations les plus curieuses en même temps que les plus fidèles. « Il va dans les cantons les plus reculés ; il dit si le pays est fertile ou s’il ne l’est pas ; » il note soigneusement « l’aspect de la misère » et « l’aspect de l’aisance ; » il décrit les costumes, il dépeint les fêtes populaires. Enfin il a ce mérite, en tout temps si rare, « d’exprimer sa propre opinion et non celle de ses devanciers. » C’est évidemment un voyageur à lire, et M. Babeau n’eût pas mal fait d’en transcrire de plus nombreux fragmens. Voici d’autre part le docteur Rigby, dont M. Babeau déjà, dans sa VIe rurale, nous avait donné