Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/650

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par de petits cultivateurs joignant à peine les deux bouts et destinés à voir leurs enfans descendre au rang de journaliers, d’ouvriers ruraux travaillant pour autrui.

Pour conserver la classe des paysans, on a imaginé le « registre des biens ruraux » (Höferolle). Tout propriétaire peut y faire inscrire sa ferme, pourvu qu’elle ait un revenu cadastral dont le minimum varie ; il est, par exemple, de 60 marks en Silésie et de 75 marks dans le Hanovre. Ce minimum s’applique à des fermes d’une faible étendue, répondant peut-être à 8 ou 10 hectares. Il n’y a pas de limite supérieure ; mais, dans la plupart des provinces, le bien rural ne peut pas se composer uniquement de terres ou de forêts, il doit comprendre aussi des bâtimens d’exploitation. Dans ce registre, une feuille est consacrée à chaque propriété, qui est déclarée bien rural indivisible par le fait de l’inscription ; toutefois ce bien n’est indivisible que pour les héritiers, car le propriétaire garde tous ses droits tant qu’il vit. Il n’est pas tenu non plus défaire inscrire la totalité des pièces de terre qui font partie de son domaine, il peut en séparer légalement certaines parcelles pour en disposer d’une façon quelconque ; il peut même faire rayer des pièces inscrites ou en ajouter après coup. Il peut aussi désigner celui de ses enfans qui aura l’immeuble, à la condition de désintéresser ses frères et sœurs ; mais, s’il meurt intestat, le bien passe en entier au « principal héritier » (Anerbe), l’aîné ou le plus jeune, selon la coutume locale, et cet héritier indemnise les autres ayants droit d’après un mode d’évaluation prévu par la loi. Ce système ne semble pas devoir produire tous les effets qu’on s’en promet ; l’inscription d’une ferme sur le registre des biens ruraux indivisibles est laissée à la volonté du père de famille, qui peut aussi la faire rayer ; mais, une fois inscrite, elle garde sa qualité sous les successeurs tant que le propriétaire du moment ne la fait pas effacer. Le registre n’influe sur la succession qu’en cas d’absence de testament ou d’arrangement de famille ; c’est une précaution prise contre le morcellement non voulu. Jusqu’à présent, 60 pour 100 seulement des fermes figurent sur la liste des biens ruraux.

Il est douteux que cette législation, qui a été inaugurée en Prusse en 1874, produise un effet supérieur à celui qui résultait de la coutume traditionnelle, et elle aura été tout à fait inutile, si le « système des deux enfans » continue à s’étendre en Allemagne. C’est la stérilité volontaire qu’on désigne ainsi, et, malgré le nombre de ses adversaires convaincus, l’usage paraît gagner du terrain, car c’est le seul moyen radical de prévenir tout partage ruineux. Les mœurs sont ici plus puissantes que les lois. Mais les mœurs dépendent de l’opinion, et l’opinion change. Une loi bavaroise du 22 février 1855 tendait à créer des majorais roturiers. Le