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LES
DERNIERES ANNEES D'UN RÊVEUR

Fragmens d’un Journal intime, par Henri Amici, tome II, 1884.

Quand le premier volume de ce Journal intime parut, il y a quelques mois, ce fut pour nous une occasion toute naturelle d’étudier, dans une-intelligence d’élite, ce que nous appelâmes alors, d’un mot qui sembla juste, la maladie de l’idéal[1]. Des confidences douloureuses montraient comment l’analyse à outrance peut stériliser les plus riches dons de l’esprit et quelle amertume remplissait cette âme qui se sentait née pour produire des œuvres viriles et qui s’était arrêtée à moitié chemin dans la volupté inerte de la contemplation. Il s’en fallait d’ailleurs que j’eusse épuisé cet attachant et inquiétant-modèle, et j’espérais bien le reprendre un jour, quand la fin du journal nous aurait été donnée. Ce jour est arrivé, et il me paraît que le second volume appelle et justifie un complément d’études. Sans que nous ayons rien à retrancher à l’image déjà tracée du rêveur genevois, il est d’autres traits intéressans, bien dignes d’être mis en lumière et qui achèveront, non pas seulement le portrait d’un homme, mais celui d’un groupe d’esprits plus nombreux qu’on ne peut croire dans la génération à laquelle il appartient.


I

Cette dernière partie du Journal intime (ou plutôt des fragmens qu’on en a extraits) va de l’année 1867 à 1881. A mesure que la

  1. Voyez la Revue du 15 février 1883.