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croirait voir surgir de la mer[1]. Elles n’ont encore été l’objet d’aucune exploration scientifique. Le capitaine Armstrong, les abordant au cours de l’année 1868, a simplement relevé la configuration de ces îlots et mesuré la principale hauteur, qui est d’environ 200 mètres. Formées de roches basaltiques et d’argile, les Snares sont en partie couvertes de buissons et d’arbres rabougris, avec des espaces privés de toute végétation. En ces lieux, les manchots se montrent par centaines et les albatros par milliers.

Entre le 50e et le 51e degré de latitude australe, c’est-à-dire à deux degrés environ au sud de la Nouvelle-Zélande, sous un ciel souvent brumeux, plongées dans une atmosphère humide, apparaissent les îles Auckland, — on disait autrefois le groupe de Lord-Auckland. — Le 16 août 1806, pour la première fois, un navire passait en ces parages, un baleinier que commandait le capitaine Abraham Bristow ; il fit la découverte des îles Auckland. Elles sont au nombre de six ; la principale porte le nom du groupe. Par ordre d’importance, vient ensuite l’île Enderby, la plus avancée dans la direction du nord-est. Absolument désertes, elles offraient des stations très appréciées des baleiniers. Un grand établissement de pêche avait été fondé au port Ross, dans la baie du Rendez-Vous ; on l’abandonna en 1852.

Il y a quarante ans, à l’époque des expéditions célèbres de Wilkes, de Dumont d’Urville, de James Clark Ross, les îles Auckland n’ont pas encore été arrachées à la condition de nature. Un jeune chirurgien de la frégate américaine la Porpoise, le docteur Holmes, entreprend des excursions dans l’intérieur de la plus grande île et se met en tête de gravir une colline, mais il éprouve de terribles difficultés. Avec la hache il se fraie le chemin entre les arbres, au milieu des broussailles ; — en certains endroits, c’est tout à fait impossible. — Les taillis d’une épaisseur formidable, les petits buissons enchevêtrés forment des obstacles désespérans. Les fougères entremêlées couvrant le sol rendent la marche des plus pénibles. Où le sol est inégal, comme la végétation masque l’accident, le voyageur tombe dans un trou ; le voilà jusqu’à la tête enseveli sous les frondes des fougères. Une telle promenade semble horrible, et pourtant le jeune Américain éprouve une joie extrême : il foule une terre que n’avait jamais foulée le pas d’un autre homme. De vieux arbres brisés gisent au hasard ; plusieurs troncs pourris demeurent debout, soutenus par les troncs vigoureux qui les entourent ; au sommet de la colline, ce n’est, par intervalles que tapis de mousse et champs d’herbes hautes et touffues. La scène est animée par un monde d’oiseaux qui paraissent n’avoir pas conscience du

  1. Par 48° 03’ latitude ; 166° 45’ longitude Est.