Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en ce moment, qui en résulterait pour le trésor, il faut bien reconnaître que les propriétaires fonciers actuels, objets de cet allégement, profiteraient sans droit d’une libéralité réelle que rien ne justifie.

Qui détermine, en effet, la valeur des propriétés ? Le revenu net, défalcation faite de l’impôt, bien entendu. Si l’impôt est trop lourd, la propriété qui le paie en est diminuée d’autant dans l’estimation de son prix, Or, depuis que l’impôt foncier existe, y a-t-il des propriétés qui n’aient été l’objet d’aucune vente, d’aucun héritage, d’aucune estimation ? En réalité, toutes ainsi ont obtenu le dégrèvement désiré : un abaissement actuel de la taxe foncière particulier à quelques-uns n’aurait donc pour effet que de relever la valeur de leur propriété et de leur procurer une surélévation de prix sans qu’ils eussent rien payé pour l’obtenir. La péréquation nous semble une de ces idées qui séduisent les esprits généreux, dont on se plaît à chercher le moyen par amour de la justice et de l’égalité, mais ce n’est peut-être pas un de ces buts qu’on peut atteindre pratiquement. Depuis plus de cinquante ans qu’on le cherche, on ne l’a pas trouvé.

Restent donc toujours comme unique ressource les emprunts et les centimes additionnels. Les uns et les autres, on sait comment ils progressent, ces derniers surtout ; on sait comment ils arrivent à doubler le principal ; ce qui est encore l’exception deviendra donc la règle et les dépenses départementales et communales arriveront sans doute à doubler partout le principal des contributions directes. Le régime de règlement des budgets annexes se prête en outre singulièrement à ces excès. On peut encore, lorsqu’il s’agit du budget général de l’état, rechercher lai lumière, la trouver et la répandre. Du fameux milliard de recettes et de dépenses de la restauration, ce n’a pas été sans de vives discussions, auxquelles le pays prenait part, qu’on est arrivé aux deux milliards du budget de la monarchie de juillet, puis aux trois de l’empire ; nous voici presque au cinquième, et chacun de s’écrier qu’il n’y a plus moyen d’aller au-delà. Mais voilà qu’à côté des milliards de dépenses générales se glissent les dépenses municipales et départementales dont on ne récapitule pas les chiffres ; elles existent, il est vrai, dans tous les pays et s’ajoutent aux redevances envers l’état, mais on peut soupçonner à bon droit qu’elles s’élèvent plus vite chez nous que partout ailleurs : le sixième milliard ne va-t-il pas s’appesantir sur les contribuables ? Nos mœurs s’y prêtent, nos passions l’appellent, notre mode administratif le favorise. Qui sera chargé d’arrondir les sommes ? qui les répartit ? Dans les conseils généraux, les majorités sont-elles bien impartiales dans les parts qu’elles font aux arrondissemens les moins dévoués ? dans les communes, les