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moins momentanément. Le gouvernement n’ose pas demander aux chambres le renouvellement des crédits annoncés et promis. Si un excédent se manifeste, il avisera, mais il n’en existe pas ; et comment faire face à une dépense qui exigerait, d’après un premier classement des chemins les plus urgens, 280 millions d’emprunt et 180 millions de subvention ?

Quant aux dépenses de l’instruction primaire, combien depuis deux ans se sont-elles développées, au-delà même de toute prévision ! L’établissement de la gratuité de l’enseignement n’a plus permis aux communes d’y satisfaire avec les centimes qui lui étaient affectés en plus de la rétribution scolaire, et la charge en a été reportée sur les départemens et l’état. Depuis deux ans, une dépense matérielle des plus considérables a été poursuivie presque partout : nous voulons parler de la construction des nouvelles écoles et de ces groupes scolaires qui frappent tous les regards et produisent de telles surprises sur les témoins de ces prodigalités. Dans les plus petites localités on élève de somptueux édifices pour n’y recruter souvent qu’un très petit nombre d’enfans ; une caisse spéciale de 700 millions a été fondée afin de mettre à la disposition des municipalités les sommes demandées par elles, moyennant un intérêt et un amortissement minimes. L’état, les départemens, en proportion des dépenses votées par les communes, y ont ajouté de larges subventions ; c’est par dizaines de mille que se comptent les groupes scolaires et par centaines de mille francs que se chiffrent les dépenses de chaque construction. Après la dépense matérielle des édifices est venue la dépense du personnel enseignant ; les frais ont doublé à cet égard et ne sont pas en voie de diminution. La laïcité de l’enseignement a achevé l’œuvre de la gratuité et de l’obligation. Les instituteurs et institutrices laïques réclament des traitemens plus élevés que ceux accordés aux religieux chargés précédemment de la plupart de ces fonctions.

En laissant de côté tout ce que l’instruction primaire a perdu à n’être plus religieuse et en demeurant sur le terrain purement économique, ce n’est pas avancer une assertion discutable que de prétendre que l’enseignement laïque coûte plus cher que l’enseignement donné par des religieux et des religieuses. Les chiffres suffisent d’ailleurs à le prouver. Il y a peu de temps, les quatre centimes communaux affectés au paiement des instituteurs suffisaient à cette dépense, mais il a fallu en relever le prix ; et une récente circulaire du ministre de l’intérieur, sur la distinction à faire entre les dépenses obligatoires et les dépenses facultatives de l’enseignement, a montré que l’on n’était pas encore arrivé au but. Dans la dernière discussion du budget, on a prouvé qu’il manquait une somme de 30 millions pour élever le paiement des instituteurs à un