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générale des opérations de commerce et empêcher les affaires de tomber dans la confusion, » la lettre de lord Napier lui fut retournée avec l’observation qu’elle n’était point conforme aux suppliques de la compagnie. Lord Napier ayant insisté et ayant bravé la défense qui lui était faite de venir à Canton, le vice-roi Loo suspendit les relations commerciales, enjoignit à tous les sujets chinois de quitter le service des Anglais, et établit un blocus rigoureux autour des factoreries. Il en résulta entre le dignitaire chinois et le surintendant anglais un échange de sommations et de proclamations, dans lesquelles chacun d’eux exaltait la puissance de son souverain et se répandait en menaces. On ne sait comment cette comédie se serait terminée si, au bout de trois mois, lord Napier, pris par la famine et attaqué par la fièvre, n’était retourné à Macao, où il ne tarda pas à succomber. Le gouvernement anglais laissa écouler deux années avant de lui donner un successeur. Dans cet intervalle, les ministres de Taou-Kwang adressèrent aux autorités de Canton une longue instruction qui réglementait minutieusement les rapports à entretenir avec les étrangers. Il y était spécifié que le surintendant anglais ne pouvait avoir d’autorité que sur ses nationaux et que, vis-à-vis des autorités chinoises, sa position devait être simplement celle des subrécargues de l’ancienne compagnie. Aussi le successeur de lord Napier, le capitaine Elliot, reçut-il un accueil qui le détermina à retourner à Macao en attendant l’arrivée des forces dont il avait demandé l’envoi. Il reparut devant Canton à la tête de plusieurs bâtimens de guerre, et les hostilités auraient commencé sans l’interposition de quelques mandarins. Le commerce avec les étrangers était une source de richesse pour la population de Canton et surtout pour les principaux fonctionnaires chinois, et ceux-ci se trouvaient les premiers atteints quand les relations commerciales étaient suspendues. Néanmoins le conflit, un instant conjuré, ne pouvait manquer d’éclater.

Au nombre des instructions adressées de Pékin aux autorités de Canton figurait, tout spécialement, l’interdiction du commerce de l’opium. Il est fait pour la première fois mention de ce commerce au début du règne de Kia-King. En 1803, une proclamation signée du hoppo ou directeur général des douanes à Canton, mais publiée en exécution d’un ordre de la cour, avait défendu l’importation de l’opium comme d’un article préjudiciable à la moralité et à la santé du peuple. La défense avait été plusieurs fois renouvelée par les hoppo, mais sans jamais recevoir d’exécution. Les mandarins n’étaient pas les moins passionnés pour ce funeste plaisir, et ils percevaient une large rémunération pour chaque caisse importée au mépris de l’autorité impériale. Le fait était si notoire qu’un haut dignitaire de l’empire proposa de légaliser l’importation de l’opium et d’en faire