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Chinois comme une victoire, et une pagode fut élevée à Canton pour perpétuer le souvenir de l’humiliation des barbares. La proclamation publiée par ordre de Kia-King, à l’occasion de l’occupation de Macao, fait assez voir quelle opinion la cour de Pékin avait des peuples européens. « La guerre, disait cette proclamation, entre les Français et les Anglais, est une affaire qui regarde les barbares du dehors, et elle intéresse l’empire du Milieu aussi peu que la récente guerre entre Siam et Burmah. Le grand empereur jette sur tous les peuples un regard d’égale bienveillance, et il n’éprouve pour aucun la moindre partialité. L’empire du Milieu et les territoires étrangers ont des frontières déterminées… Si vous prétendez que c’est la crainte que les Français ne vinssent insulter les Portugais qui vous a fait accourir au secoure de ceux-ci, ignorez-vous donc que les barbares portugais sont établis sur le territoire de l’empire du Milieu, et que jamais les Français n’oseront attaquer et prendre leurs établissemens et offenser aussi témérairement l’autorité céleste ? Si les Français avaient réellement de telles intentions, les armées du Célestes-Empire déploieraient toute leur force et ne leur montreraient aucune indulgence. Une nombreuse armée serait envoyée pour les exterminer et pour maintenir l’autorité des règlemens maritimes. Votre nation a reconnu la suprématie du Céleste-Empire, et envoyé le tribut accoutumé : on a constaté son obéissance respectueuse. Voici maintenant que vous faites preuve d’ignorance et que vous violez audacieusement les lois : n’est-ce pas un manque absolu de raison ? Voilà pourquoi nous vous adressons cet ordre péremptoire. Si, pleins d’une juste crainte, vous retirez vos soldats, si vous mettez à la voile sans perdre un instant, nous pourrons faire acte d’indulgence, vous pardonner vos crimes et permettre à votre nation de commercer comme auparavant ; mais si vous différez d’obéir, non-seulement le commerce sera suspendu pour le moment, mais nous ferons aussi combler rentrée du port de Macao, les vivres vous seront coupés, et nous enverrons une armée pour vous cerner. Alors, il sera trop tard pour vous repentir. »

L’épuisement des finances ne permettait pas au gouvernement chinois d’entretenir sur un pied suffisant la flotte qui devait faire la police des côtes : la piraterie prit bientôt un grand développement au préjudice du commerce de toutes les nations ; des bâtimens de guerre durent être envoyés d’Europe pour protéger les navires marchands, et il en résulta des conflits avec les autorités chinoises. Dans l’espoir de couper court à ces contestations et d’obtenir de plus grandes facilités pour le commerce, l’Angleterre décida d’envoyer lord Amherst en ambassade à Pékin. C’était une entreprise prématurée. Quelques années auparavant, le gouvernement anglais