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nécessaire, et uniquement unies entre elles par le fluide nerveux ; » ce fluide n’est pas gélatineux, car les spiritueux qui le renouvellent ne contiennent pas de gélatine ; l’âme est mue par lui et le meut ; à cet effet, elle réside dans les « méninges. » — Son Optique[1] est le contre-pied de la grande vérité déjà trouvée par Newton depuis un siècle et vérifiée depuis par un autre siècle d’expériences et de calculs. Sur la chaleur et l’électricité il ne produit que des hypothèses légères et des généralités littéraires : un jour, mis au pied du mur, il introduit une aiguille dans un bâton de résine pour le rendre conducteur, et il est pris par le physicien Charles en flagrant délit de supercherie scientifique[2]. Il n’est pas même en état de comprendre les grands inventeurs, ses contemporains, Laplace, Monge, Lavoisier, Fourcroy ; au contraire, il les diffame à la façon d’un révolté, usurpateur de bas étage, qui, sans titre aucun, vent prendre la place des autorités légitimes. — En politique, il ramasse la sottise en vogue, le contrat social fondé sur le droit naturel, et il la rend plus sotte encore en reprenant à son compte le raisonnement des socialistes grossiers, des physiologistes égarés dans la morale, je veux dire en fondant le droit sur le besoin physique. « Des seuls besoins de l’homme dérivent tous ses droits…[3]. Quand l’un d’eux manque de tout, il a droit d’arracher à un autre le superflu dont il se gorge. Que dis-je ? Il a le droit de lui arracher le nécessaire, et, plutôt que de périr de faim, il a droit de l’égorger et de dévorer ses chairs palpitantes… Pour conserver ses jours, l’homme a le droit d’attenter à la propriété, à la liberté, à la vie même de ses semblables. Pour se soustraire à l’oppression, il a droit d’opprimer, d’enchaîner et de massacrer. Pour assurer son bonheur, il est en droit de tout entreprendre. » On voit d’ici les conséquences. — Mais, quelles que soient les conséquences, quoi qu’il écrive et quoi qu’il fasse, il s’admire toujours, et toujours à contresens, aussi glorieux de son impuissance encyclopédique que de sa malfaisance sociale. A l’en croire, il a fait dans la physique des découvertes immortelles[4] : « elles ne tendent pas à moins qu’à faire changer la face de l’optique… Jusqu’à moi, les vraies couleurs primitives étaient inconnues. » — Il est un Newton et mieux encore. Avant lui, « on ignorait la place que le fluide électrique, considéré comme agent universel, occupe dans la nature…

  1. Mémoires académiques.sur la Lumière, préface, VIII. — Il combat notamment « la différente réfrangibilité des rayons hétérogènes, » qui est la base de la théorie de Newton.
  2. Chevremont, I, 74. (Témoignage d’Arago, 24 février 1844)
  3. Ibid., p. 104. (Projet de déclaration des droits de l’homme et du citoyen.)
  4. Épigraphe de ses Mémoires sur la lumière. « Elles surnageront contre vent-et marée. » — Ib., préface, VII, Découvertes de M. Marat, 1780, 2e éd., p. 140.