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est encore à nommer son rapporteur. Et cependant il est certain que cette situation s’aggrave sans cesse, et par l’accumulation des crédits extraordinaires, et par la diminution des recettes, et par les progrès de l’inévitable déficit. C’était bien là une question digne d’occuper, de passionner un parlement, puisqu’elle touche à toute la politique de la France. On n’a même pas pris le temps de discuter ce budget, on n’a trouvé rien de mieux que de l’ajourner encore une fois aux dernières semaines de l’année, à un moment où il n’y aura plus qu’à le voter au pas de course, — et, au besoin, on accusera le sénat de troubler la chambre des députés dans la liberté de ses prérogatives financières ! — De sorte que, de cette session qui vient de finir, il ne reste à peu près rien de sérieux pour le pays, rien, si ce n’est le bruit de quelques stériles agitations de parlement et les marques nouvelles de l’impuissance de la politique de parti par laquelle on prétend servir la république !

On disait récemment, en montrant d’un geste ironique les travaux du dernier congrès et les agitations infécondes d’un parlement impatient d’aller en vacances, que tout cela serait aussi un jour de l’histoire, que toutes ces turbulences inutiles auraient leur place dans les annales publiques. Ce seront assurément de médiocres annales.

L’histoire du temps a en vérité une tâche ingrate à enregistrer tout ce qu’on lui confie, à raconter ce que tous les régimes qui se sont succédé ont fait de l’héritage qu’ils ont reçu, des traditions et des intérêts dont ils ont eu la garde dans leur règne momentané. Et cependant, parmi ces régimes qui ont eu leur jour en France depuis un siècle, qui ne se ressemblent que parce qu’ils ont été également sans durée, il y en a eu certainement qui auraient mérité de vivre et qui restent dignes des regards de la sérieuse, de l’équitable histoire ; il y a eu des régimes qui n’ont pas compromis l’héritage national reçu dans des momens difficiles, qui ont fait généreusement et habilement le bien du pays. Il y a eu cette restauration, qui, après avoir rendu la paix à la France et avoir réparé les désastres d’une invasion, a été le gouvernement de la jeunesse libérale et intelligente du siècle. Il y a eu le temps que M. Thureau-Dangin a récemment entrepris de faire revivre dans une nouvelle Histoire de la monarchie de juillet et qui compte entre tous par ce qu’il a donné au pays, par les exemples de liberté légale et régulière qu’il a laissés, par les luttes où s’est affirmé son caractère. L’auteur de cette histoire nouvelle, écrite avec l’indépendance d’esprit que donne l’éloignement, n’en est encore, dans ses récits, il est vrai, qu’à la chute du ministère connu sous le nom de cabinet du 11 octobre, aux crises parlementaires et ministérielles de la fin de 1835 ; mais ces cinq années forment la période la plus animée, la plus saisissante, la plus instructive. Plus tard, la monarchie