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démocratie parisienne. Dès lors, ce serait, croyons-nous, se bercer d’illusions que de chercher le remède dans une réforme électorale qui, d’ailleurs, à Paris, ne serait peut-être pas très efficace.

Puisque ce procédé fait défaut, il ne reste qu’à réviser les attributions et la compétence du conseil municipal élu, et c’est, en effet, selon cet ordre d’idées que le gouvernement semble étudier une législation nouvelle. L’administration de Paris, capitale de la France, intéresse la sûreté du pays tout entier et elle engage politiquement la responsabilité des pouvoirs publics. C’est à ce point que, dans différentes occasions, s’est agitée la question de savoir s’il ne conviendrait pas de créer un ministère de la ville de Paris. L’usage et l’abus que, depuis 1871, le conseil municipal de Paris a fait de ses attributions, les nombreux rappels à la légalité qu’il a encourus, » son attitude à l’égard des représentans de l’autorité centrale, ses vœux et ses tendances, qui, sous prétexte d’autonomie, impliquent la réhabilitation des doctrines de la Commune, tout cela fournit de puissans argumens à l’appui d’une réforme qui restreindrait la compétence du conseil et ne laisserait à ce dernier qu’un droit de contrôle administratif suffisant pour la garantie des contribuables. Voilà ce que rapportera aux Parisiens la politique de l’Hôtel de Ville. Sinon, avec les conflits en permanence, il n’y a que deux issues : la dissolution du conseil municipal remplacé par une commission ou la restauration de la Commune. C’est pourquoi la réforme du régime actuel est tout à la fois nécessaire et urgente ; elle s’impose au gouvernement et aux chambres ; la France entière, autant que Paris, y est intéressée.

Que Paris se résigne à n’être point traité comme un municipe ordinaire. Capitale de la France, cité universelle, Paris n’est pas une commune ; il est, à lui seul, un état dont le budget, la dette, l’armée, l’administration, tous les services publics ont une ampleur exceptionnelle. Paris est un monde où affluent les idées, les intérêts, les passions de toutes parts. Il y a pour lui, dans cette condition privilégiée, autant de péril que d’honneur. Écarter de lui le péril en l’arrachant à l’étreinte révolutionnaire et en le plaçant sous le patronage du pays tout entier, auquel il appartient ; lui garder sa couronne, agrandir son prestige par une organisation qui soit digne de ses ressources et de son génie ; faire de Paris la capitale modèle, telle est la tâche à laquelle doivent se dévouer ceux qui ont en main ses destinées. Et c’est ainsi seulement que les Parisiens nés à Paris, — et je suis du nombre, — estiment que Paris leur sera rendu.


G. LAVOLLEE.