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l’élection pour les conseils locaux est plus restreinte que pour les assemblées nationales. La distinction est admise en principe ; elle s’accorde avec la doctrine démocratique.

Quant à la ville de Paris, la distinction s’impose, pour elle, à raison des conditions tout à fait exceptionnelles, on peut même dire uniques, dans lesquelles s’y exprime le suffrage universel. Il n’y a pas une ville au monde qui compte une proportion aussi grande d’habitans nés hors de son enceinte. La statistique donne moins d’un Parisien pour trois habitans. La part de l’élément natif, dans les élections, n’atteint pas le tiers. Le Parisien fixé au sol, le Parisien qui a dans sa ville natale des intérêts de propriété, de commerce, d’industrie, de travail, le Parisien municipal est en infime minorité. Une voix indigène sur trois, cela, encore une fois, ne se rencontre nulle part. Et l’on viendrait prétendre que le contribuable de Paris est exactement représenté et régulièrement administré par un conseil qui procède d’une élection ainsi organisée ! C’est le contraire qui est vrai. Le conseil municipal représente et administre, au moins pour les deux tiers, des Flamands, des Normands, des Bretons, des Gascons, etc., excellens compatriotes, qui contribuent assurément à la fortune et à la grandeur de Paris, mais qui ne peuvent avoir ni l’intérêt ni l’attachement au terroir, rien en un mot de ce qui constitue le sentiment communal. Pour les scrutins politiques, nous admettons que ces électeurs votent à Paris ; on doit pouvoir voter partout, même en voyage ; mais, pour les scrutins qui ne concernent que la commune, la promiscuité des électeurs, quand elle existe à ce point, enlève à l’élection le caractère d’une représentation municipale. Donc, avec le régime actuel, Paris n’est pas une commune, et le conseil qui siège à l’Hôtel de Ville n’est pas le conseil municipal de Paris.

Ces points établis, comment résoudre la difficulté ? Le moyen qui paraît, au premier abord, le plus rationnel, ce serait de modifier la loi électorale, en édictant, par exemple, pour les électeurs et pour les candidats une durée plus longue de domicile ou de résidence, de telle sorte que l’élément parisien ne rencontre plus au scrutin la concurrence écrasante de l’élément provincial et que Paris soit, comme on le demande, rendu aux Parisiens. De même, sans recourir aux pratiques censitaires, il serait possible de rechercher, pour les élections municipales, certaines conditions ayant pour objet d’attester et de garantir que l’électeur, ou tout au moins l’élu, est directement intéressé à la bonne administration de la commune. Mais il ne faut pas se dissimuler que, dans l’état de l’opinion, ces procédés risqueraient de ne pas être accueillis. On y verrait, quoiqu’à tort, une seconde édition de la loi du 31 mai, et ce souvenir suffirait pour soulever les plus ardentes protestations de la