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flagrante. Que l’on s’associe ou non aux doctrines politiques, économiques ou autres qui inspirent les décisions du conseil, il ne saurait y avoir de contestation sur ce point. D’un autre côté, si l’on examine la composition du conseil municipal, on peut juger si l’application de la loi de 1871 a donné à Paris la représentation à laquelle il aurait le droit de prétendre pour la gestion de ses intérêts. Le suffrage universel n’aurait que l’embarras du choix pour désigner, parmi l’élite de la population, les quatre-vingts citoyens qui, par leur expérience, par la supériorité reconnue de leur mérite, par la considération universelle dont ils jouissent, mériteraient d’être appelés à l’administration des affaires de la cité. Est-ce ainsi que les choses se passent ? Il suffit de lire la liste des membres du conseil municipal, après chacune des élections, pour se convaincre que Paris n’est point représenté à ce conseil par ses citoyens les plus expérimentés ni les plus illustres. Cette observation n’attaque en rien le caractère personnel des conseillers élus, elle respecte absolument leur incognito ; elle n’a pour objet que de démontrer, par un nouvel argument, à quel point l’intention du législateur est méconnue et comment l’intérêt municipal, l’intérêt parisien, se trouve exclu des élections pour être remplacé par l’intérêt politique. En réalité, les conseillers municipaux de Paris ne sont élus qu’à raison de leurs opinions politiques, et, si on leur reproche leur attitude et leurs actes, ils sont autorisés à répondre qu’ils se conforment au mandat qu’ils ont reçu et quelquefois subi de leurs électeurs.

Dans les diverses propositions qui ont été soumises à la chambre des députés pour la révision de la loi de 1871, il est question de modifier les conditions électorales. Il s’agirait de substituer au scrutin uninominal par quartier le scrutin de liste par arrondissement, de réunir un plus ou moins grand nombre d’arrondissemens pour le vote au scrutin de liste, ou même de faire de Paris tout entier un seul collège électoral, nommant en bloc les quatre-vingts membres du conseil. Il est à peine besoin de dire que chacun des partis qui proposent l’une ou l’autre de ces combinaisons se soucie, avant tout, d’organiser le vote de manière à se le rendre politiquement plus favorable. Le parti que l’on appelle intransigeant ou autonomiste voudrait noyer dans une seule et même urne les candidats qualifiés d’opportunistes qui lui font obstacle et les rares candidats monarchistes dont la présence au conseil l’irrite plus qu’elle ne le gêne. Le parti du gouvernement espère qu’avec un sectionnement bien compris et à l’aide d’un scrutin de liste tempéré, il réussirait à faire coup double contre les autonomistes et les monarchistes. que l’on ne se fie pas à la vertu de ces combinaisons politiques et chimiques à l’aide desquelles on essaierait d’amalgamer et