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que le gouvernement et l’administration municipale secondent résolument la prompte exécution du réseau parisien.

Dans la plupart des capitales, le service des transports constitue une industrie libre, assujettie à certaines taxes et soumise à des règlemens de police ou à des autorisations de parcours qui sont jugées nécessaires pour la sécurité de la circulation. A Paris, le transport en commun, c’est-à-dire le service des omnibus, est exploité depuis 1855 par une compagnie unique, pourvue d’une concession privilégiée jusqu’en 1910. Le système du monopole avait été également appliqué en 1862 pour les voitures de place ; mais on dut y renoncer en 1866, après, une courte expérience qui démontrait que la compagnie privilégiée ne pouvait faire ses affaires ni celles du public. La liberté, réglementée toutefois quant aux tarifs et aux mesures de police, fut donc rendue au service de la place. Il ne reste de privilège, en vertu de concessions plus ou moins longues, que pour les omnibus et pour les compagnies de tramways. Il ne s’agit point ici d’examiner quel est, en théorie, le système préférable. Évidemment la théorie économique se prononcerait pour la liberté contre le monopole, pour le régime de Londres contre le régime de Paris. Il faut cependant tenir compte des circonstances, des faits, des résultats devant lesquels la doctrine économique, si rigide qu’elle soit, doit s’incliner. En réalité, la liberté, en matière d’omnibus comme en matière de chemins de fer, aboutit à la constitution d’un monopole exercé au profit d’une ou de plusieurs compagnies qui finissent par demeurer maîtresses du terrain et se concertent pour la fixation des parcours et des tarifs. A Londres, où l’industrie est libre, il n’existe, à vrai dire, qu’une seule compagnie d’omnibus, laquelle exploite les lignes fructueuses et est en mesure d’écraser toute concurrence. Le monopole y existe de fait, et il opère naturellement au point de vue de son unique intérêt. A Paris, le privilège légal est tempéré, sinon détruit, par les droits considérables d’ingérence et de tutelle que s’est réservés l’autorité municipale, de laquelle émane la concession. Non-seulement le tarif du transport, fixé jusqu’en 1910, est d’une modicité extrême ; mais encore l’autorité municipale a la faculté d’imposer à la compagnie telle ligne nouvelle, telle correspondance qui lui paraît conforme à l’intérêt public, sans avoir à considérer si ce surcroît de dépenses et de services doit être rémunéré par un supplément correspondant de recettes et de profits. C’est un régime particulier qui s’écarte de tous les principes d’économie politique ou industrielle et qui ne se justifie que par les circonstances exceptionnelles d’où il est sorti et surtout par les services qu’il rend. La fusion des anciennes entreprises d’omnibus, en 1855, a fourni un