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complet, accompagné de propositions faites par des concessionnaires qui se chargeaient d’exécuter les travaux et d’exploiter les lignes sans subvention ni garantie d’intérêt. L’affaire en est là, longuement préparée, mais non encore décidée, et il est à craindre que la décision ne subisse encore quelques retards. La question est, en vérité, très difficile. Les ingénieurs ne s’accordent pas quant au système qu’il serait préférable d’adopter. Le métropolitain de Paris sera-t-il souterrain comme à Londres, ou suspendu comme à New-York ? La configuration de Paris, avec ses pentes nombreuses, ne se prête pas aussi aisément que celle de Londres, qui est à peu près plane, à l’établissement d’une voie souterraine ; en outre, le sous-sol y est occupé à une grande profondeur, non-seulement par les fondations des maisons, mais encore par les installations de égouts, par les conduites d’eau et de gaz, par les fils du télégraphe, etc. D’un autre côté, le système du chemin de fer suspendu soulève, à divers points de vue, de sérieuses critiques. Dans les deux cas, la dépense serait très considérable ; il semble impossible de dresser des devis exacts à raison de l’aléa que présentent les expropriations, et l’administration est intéressée moralement à ne concéder une entreprise aussi importante qu’après en avoir calculé de très près les bénéfices et les charges. Enfin, la crise financière a dû singulièrement refroidir l’empressement des concessionnaires qui s’offraient avant 1882 et qui avaient l’ambition, peut-être téméraire, de construire et d’exploiter le métropolitain sans qu’il en coûtât rien à la ville ni à l’état.

Le développement des lignes de tramways a permis d’attendre patiemment la création du chemin de fer métropolitain ; mais le moment est proche où le service des tramways, qui est d’ailleurs très gênant pour la circulation générale, deviendra tout à fait insuffisant. Paris devra donc avoir son réseau de voies ferrées reliant les extrémités au centre et rayonnant vers les régions de la banlieue, qui sont destinées à recevoir l’excédent de la population urbaine. Les transports à prix très réduits aideront à résoudre la question du logement, dont nous avons signalé la gravité. Ces deux problèmes se tiennent. Les familles d’ouvriers auront à compter, non plus les kilomètres, mais les minutes qui les sépareront de leur travail, et on les verra disposées à déserter les taudis qu’elles occupent actuellement pour s’établir aux abords des fortifications, plus loin même, dans des conditions larges et salubres. L’hygiène publique y gagnera autant que l’hygiène privée. Dût-il en coûter quelques sacrifices pour les finances de la ville, ou plutôt un engagement éventuel sous la forme de garantie d’intérêt, le double but à atteindre, au moyen du chemin de fer métropolitain, vaut la peine