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reconstruction des quartiers du centre, le percement de larges voies et la création de nombreux squares ont profité à l’hygiène et à la circulation, il semble juste de reconnaître que le profit a été plus grand pour les classes riches et aisées que pour la classe ouvrière. Celle-ci a vu augmenter dans une proportion très sensible le prix de ses loyers ; elle a même été, on peut le dire, expulsée de plusieurs quartiers où le modeste artisan a le plus grand intérêt à se loger pour demeurer à proximité des établissemens ou des magasins qui lui fournissent des commandes journalières. Beaucoup d’ouvriers ont été ainsi expropriés en quelque sorte pour cause d’utilité publique, sans qu’il fût possible de leur allouer directement aucune indemnité. Il y a donc équité à tenir compte de cette situation exceptionnelle dans l’étude des moyens à l’aide desquels on pourrait multiplier et améliorer, dans l’enceinte de Paris, les logemens d’ouvriers.

Le conseil municipal a longuement délibéré à ce sujet. Toutes les propositions qui lui ont été soumises admettaient le concours financier de la ville et de l’état. Il est inutile d’énumérer les combinaisons qui furent successivement examinées et repoussées. Dans cette assemblée, où les différentes sectes du socialisme comptent de nombreux représentans, on devait s’attendre à voir revendiquer au profit du peuple le droit au logement fourni par la communauté, en même temps que la fixation d’un maximum pour le prix du loyer ; mais, au moment du vote, ces rêves s’évanouissaient devant l’éternelle question d’argent. Comment la ville se procurerait-elle les capitaux nécessaires pour construire, aménager et administrer les immeubles dédiés à la population ouvrière ? De l’aveu même des communistes, notre civilisation n’est pas encore assez avancée pour réaliser ce rêve de l’avenir. Il n’y eut de discussion sérieuse que sur un projet présenté par l’administration, projet d’après lequel la société du Crédit foncier aurait fourni aux entrepreneurs un capital garanti par l’état et par la ville jusqu’à concurrence de 70 millions ; en outre, le budget municipal et le budget de l’état auraient accordé, pour les constructions nouvelles, la remise ou l’ajournement de certaines taxes de voirie et de l’impôt direct pendant plusieurs années. Cette combinaison, en vue de laquelle un projet de traité avait été concerté entre les ministres de l’intérieur et des finances et la société du Crédit foncier, s’appuyait sur de nombreux précédens. Le concours de l’état ou des villes, sous forme de garantie, est fréquemment appliqué aux grands travaux d’utilité publique ; les remises d’impôts sont accordées, dans certains cas, par la loi générale. Pour la construction des maisons ouvrières, cette double faveur a été consentie plus d’une fois à l’étranger et en France. — Le conseil municipal ne se rendit pas à ces argumens ; la