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immigration croissante d’ouvriers. Ce n’était point là précisément le résultat qu’avaient entrevu et souhaité les créateurs du nouveau Paris. Ceux-ci s’attendaient plutôt à une certaine diminution de la population ouvrière, que la disparition des vieux quartiers et le déplacement des grandes usines semblaient devoir éloigner d’une capitale ainsi transformée. Il n’en fut rien. Paris agrandi garda ses usines et ses ouvriers, dont le nombre ne fit que s’accroître durant la période de prospérité qui suivit l’annexion. Ainsi, d’ailleurs, furent démontrées par un exemple éclatant les tendances de l’industrie contemporaine. Naguère encore, les manufactures étaient établies de préférence dans les régions rurales où la main-d’œuvre se payait au plus bas prix, à proximité de cours d’eau qui procuraient l’économie des transports. Aujourd’hui l’industrie se rapproche des cités populeuses, où il lui est facile d’augmenter ou de diminuer, selon l’activité plus ou moins grande des affaires, l’effectif du personnel qu’elle emploie ; elle s’installe au cœur même des capitales, à portée de la science et des arts, ses auxiliaires désormais indispensables, au centre du crédit et des banques, à proximité de ces grandes gares de chemins de fer qui ouvrent des communications journalières et rapides dans toutes les directions, et qui, au besoin, servent d’entrepôts. Si la main-d’œuvre est plus coûteuse que dans les campagnes, s’il y a quelque accroissement de charges dans le compte d’établissement et dans les frais généraux, la compensation se fait par les avantages et les facilités de toute nature qui résultent de l’installation dans les villes, au foyer des transactions. C’est pourquoi Paris sera toujours, quoi qu’on fasse, une immense cité industrielle ; le travail y règne, et il n’abdiquera pas ; la population ouvrière, attirée de la province et des pays voisins, ne cessera point d’y affluer. La continuité plus ou moins régulière de cette évolution est inévitable ; elle s’impose à la prévoyance des hommes d’état, des administrateurs de la ville et des architectes.

C’est, en effet, un grave problème de pourvoir au logement d’une population qui se compose d’élémens aussi variés. D’après les plus récentes statistiques, on compte à Paris près de 80,000 maisons, contenant 1,040,000 locaux distincts, dont les deux tiers sont consacrés à l’habitation et le tiers à l’industrie. Dans la première de ces catégories, les appartemens au-dessous de 500 francs figurent pour les trois quarts. Ce sont les familles d’artisans et d’ouvriers, comprenant environ 1,150,000 personnes, qui occupent ces logemens modestes où, malgré les prescriptions de la loi et la vigilance de la police, les conditions essentielles de la salubrité ne peuvent être observées que très imparfaitement. Les grands travaux de voirie qui ont été entrepris sous l’empire et continués par la municipalité républicaine, travaux nécessaires au point de vue