Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/919

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’extrême Nord le terme et la fin de toute végétation frutescente. La glace aura tout envahi pour ne laisser place, comme nous l’avons vu au commencement de cette étude, qu’aux seules plantes nivales et alpines, rejetées finalement au pied des escarpemens et sur le littoral, par les neiges permanentes qui prennent possession des sommets et les glaces qui occupent les vallées et jusqu’aux plaines de l’intérieur. À ce moment aussi, le continent groênlandais s’effondre en partie et subit les effets violens des feux souterrains dont l’Hékla islandais n’est qu’un reste et un souvenir. C’est à la fin du miocène ou au commencement du pliocène, et comme un écho du soulèvement des grandes Alpes, que ces événemens auront eu lieu. C’est alors que les régions arctiques perdirent leurs derniers arbres : les sapins et les mélèzes, les bouleaux, les trembles, le sorbier des oiseleurs. Le Spitzberg, et plus récemment l’Islande, paraissent avoir conservé des vestiges de ces bois qui, en Sibérie et dans la Nouvelle-Zemble dépassent encore sur quelques points le cercle polaire. Au Spitzberg, Heer a signalé un certain nombre d’empreintes végétales comme appartenant à cette période finale. Dans l’Islande, bien plus méridionale, il y aurait eu de maigres taillis de bouleaux jusque dans les temps historiques ; l’homme aurait vu disparaître les derniers, passés maintenant à l’état de souvenir, sauf sur un point restreint, au sud de la région. Il faut mentionner pourtant un pied de sorbier que l’on montre aux voyageurs avec orgueil dans un jardin de Reikiavik.


V

Quelles seront nos conclusions ? — Celles qui viennent naturellement à l’esprit, c’est que le refroidissement polaire, n’ayant cessé depuis son origine de faire des progrès, est destiné à en faire encore à l’avenir, et qu’un jour viendra où notre zone, dépeuplée à son tour, partagera le sort de l’Islande, du Groenland et du Spitzberg. Après avoir traversé une période intermédiaire où elle ne conserverait, en fait de bois, que des sapins et des bouleaux, des sorbiers ou des trembles, elle perdrait ces arbres pour ne garder à la fin que des pelouses de plantes alpines, tapissant le fond des vallées et le bord des estuaires le long des côtes. Nous sommes cependant bien éloignés d’une semblable époque ; mais, si loin qu’on la repousse au fond de l’avenir, les enseignemens du passé sont là pour attester sa venue dans un temps donné, en dévoilant l’existence d’une loi générale et inexorable, fondée sur des événemens dont la marche, une fois inaugurée, ne s’est jamais arrêtée. Cependant, comme il faut