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caduques, être élevée au-dessus de 11 ou 12 degrés centigrades au plus, C’est le climat actuel des environs de Lyon, et encore nous sommes disposés à admettre des hivers doux et humides, quelque chose comme ce qui existe dans le sud de l’Angleterre.

La richesse végétale du Groenland occidental, 8 degrés plus au sud, par 70 degrés de latitude et à 500 lieues du pôle, était alors bien plus considérable. Il suffit, pour l’attester, de s’arrêter au nombre des espèces recueillies, qui s’élève maintenant à bien près de 300, en tenant compte des dernières découvertes de M. Nathorst. Plusieurs des espèces du Spitzberg reparaissent ici, mais beaucoup d’autres dénotent par leur présence un climat plus doux et plus chaud. Nous sommes encore transportés sur le bord des lacs. L’affluence et la beauté des fougères témoignent de l’humidité du sol. Quelques-unes, telles que l’onoclea sensibilis, demeurée américaine, et l’osmonde, qui orne les ruisseaux des pays granitiques de l’Europe, sont remarquables par l’élégance de leur feuillage. C’est toujours le même cortège de cyprès chauves, de séquoias et de thuyas dans les stations voisines de l’eau, de pins et de sapins dans les forêts montagneuses. Seulement, le nombre des thuyas augmente et celui des sapins diminue. On rencontre de plus un ginkgo que l’Europe elle-même gardera longtemps et qui ne diffère qu’à peine de celui que les Japonais font servir d’ornement aux avenues de leurs temples.

Selon Heer, le Groënland tertiaire aurait eu même des palmiers. Pourtant les exemples qu’il met en avant reposent sur des indices trop peu concluans pour que nous les invoquions ici comme une preuve de l’ancienne élévation du climat. Le certain est assez riche, sans aller recourir à des apparences équivoques. Il est impossible, en effet, de méconnaître la présence des lauriers, représentés par les mêmes formes qui précèdent en Europe le laurier actuel des Canaries et y conduisent insensiblement. Le laurus primigenia, c’est ainsi qu’on nomme ce laurier fossile, est bien l’ancêtre direct de l’arbre des Canaries dont notre laurier d’Apollon n’est lui-même qu’une variété. Ses exigences à l’égard du climat devaient être sensiblement les mêmes, sinon plus prononcées, que celles de ses derniers descendans, puisqu’il s’agit d’une race qui se montre en Europe, dès l’éocène supérieur, associée partout à des plantes tropicales. La seule présence des lauriers dont Heer signale quatre espèces au Groenland suffirait pour attester la douceur des hivers de cette contrée et l’existence probable d’une moyenne annuelle de 14 degrés centigrades. — Il faut joindre aux lauriers la mention d’un magnolia à feuilles persistantes pareil à celui de la Louisiane, qui supporte mal les hivers de Paris ; enfin celle d’un châtaignier,