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appliqué la dénomination de zone tempérée, dont elle jouait le rôle et possédait les espèces caractéristiques.

Un moment vint pourtant où le refroidissement polaire, à peu près insensible au début, commença de se manifester. L’abaissement, si faible qu’on le suppose, dut se traduire à la longue par des nuances dans la composition du tapis végétal, et c’est ainsi que les indices tirés de la flore peuvent nous instruire de la date précise à laquelle doit être rapporté ce premier abaissement. Ce que l’on sait de la flore jurassique, dont il existe un riche gisement au Spitzberg, sur le bord septentrional de l’Is-Fiord, par 78 degrés de latitude nord, ne laisse voir, au premier abord, aucune différence sensible avec ce qui existait en Europe, en Angleterre et en France notamment, à la même époque ; aux approches du 80e degré, la flore était alors relativement pauvre, comme partout ailleurs. Les cycadées dominent, ainsi que les ginkgos, type dont une dernière espèce, souvent plantée en Europe, survit actuellement au Japon à l’extinction générale du groupe. Mais cette espèce, qui perd ses feuilles l’hiver, adaptée ainsi à une saison froide, ne saurait donner l’idée de ces premiers ginkgos à feuillage coriace et sans doute persistant, pas plus que notre figuier ne rappelle tant’ d’autres figuiers, ses congénères, confinés sous les tropiques et qui succomberaient en Europe aux premières atteintes du froid. Les fougères du Spitzberg jurassique sont grêles, coriaces, peu opulentes de feuillage. Des conditions d’existence des plus uniformes s’étendaient visiblement alors du fond de nos pays jusque dans le voisinage du pôle. Pourtant, c’est au milieu de cet ensemble que s’offrent à nous, pour la première fois, les vestiges d’un sapin, d’un vrai sapin, analogue, il est vrai, aux formes les plus méridionales du genre, accompagné même d’une seconde espèce plus petite et que Nordenskiöld, à qui elle a été dédiée, a recueillie à Andö, sur la côte occidentale de la Norvège (68 degrés de latitude nord) et qui a été observée également plus loin en Sibérie, toujours dans les mêmes lits jurassiques.

Ainsi, les plus anciens sapins que l’on connaisse se montrent de préférence, dans l’extrême Nord, associés aux mêmes végétaux qui peuplaient alors le reste du monde, spécialement à des cycadées, aujourd’hui perdues. Tels sont les indices les plus reculés vers le passé d’une différenciation entre la zone circumpolaire et les parties plus méridionales de l’hémisphère boréal.

La période suivante, celle de la craie, se trouve richement représentée au Groenland, comme au Spitzberg. Dans la première de ces deux régions, les plantes ont été recueillies pour la plupart le long des côtes de la presqu’île de Noursoak par 70 degrés de latitude nord. Elles se distribuent en trois niveaux successifs et donnent, par