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cercle polaire. Mais alors aussi, à l’époque, par exemple, où l’on rencontrait des canneliers jusqu’au 60° degré, aucune barrière, sinon une insensible dégradation calorique, ne s’interposait entre la zone tempérée actuelle et la zone polaire. Par conséquent, les deux régions n’en formaient qu’une, à peu près comme maintenant la zone tempérée tout entière, bien que plus tiède vers le sud, est cependant peuplée uniformément des mêmes types et soumise aux mêmes lois de distribution géographique des végétaux. Dès lors, on ne saurait en douter, il existait des montagnes au-delà comme en-deçà du cercle polaire, et ces montagnes, non encore couvertes de neiges, avaient leurs plantes propres sous l’influence de l’altitude. Ces plantes devaient être à peu près les mêmes, sur les montagnes arctiques aussi bien que sur celles du centre ou du midi de l’Europe, dans un temps justement d’égalisation des climats comme le fut le milieu du tertiaire. Ainsi, cette première flore montagnarde aurait offert partout la même composition, et si, depuis, elle est restée la même, c’est qu’elle aura subi partout les mêmes vicissitudes, sur les montagnes d’Europe comme sur celles de la région arctique. La neige est venue un jour imposer sur elle le poids de son linceul, d’abord sporadique, puis annuelle et passagère, ensuite permanente d’un hiver à l’autre. Quoi de singulier à ce que ces plantes déjà pareilles, respectivement soumises à de nouvelles conditions d’existence, identiques de part et d’autre, aient donné lieu aux mêmes résultats d’adaptation ! On n’a pas plus le droit d’en être surpris que si l’on s’étonnait de rencontrer le même ensemble d’un bout à l’autre des Alpes et jusque sur des massifs isolés, comme le Ventoux, sans communication directe avec les chaînes voisines.


II

Rien de mieux établi que l’ancienne élévation de la température de la zone glaciale arctique. Cette élévation a longtemps été telle que rien ne distinguait cette zone du reste de l’hémisphère boréal, dont elle fait partie, et qu’elle possédait les mêmes plantes et les mêmes animaux soit terrestres, soit marins, que les contrées plus méridionales jusqu’au-delà du 30° degré de latitude. Les plantes carbonifères de l’île de l’Ours (75° lat. N.) et du Spitzberg (77-79° lat.), par la dimension comme par la nature des espèces et leur mode d’association, ne laissent voir de différence d’aucune sorte avec celles de l’Europe ou de l’Amérique contemporaines. Ce sont toujours les mêmes types, et, en grande partie, les mêmes espèces : sigillaires, lépidodendrons, calamités, fougères aux frondes gigantesques, quelques-unes arborescentes. M. Nathorst, qui examine,