Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/894

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sépare les espèces alpines des espèces polaires : si cependant elles ont eu le même berceau et qu’elles s’en soient écartées autrefois pour suivre une double direction, est-ce du nord ou du sud qu’il faut les faire venir pour aller prendre possession soit des Alpes et des Pyrénées, soit de la zone circumpolaire ? Quel chemin auront-elles pris et quelle révolution aura eu la puissance de leur ouvrir le chemin et de favoriser leur marche divergente ? C’est à de pareilles questions, à des problèmes aussi insolubles en apparence que les recherches sur l’ancienne végétation polaire étaient évidemment faites pour apporter une réponse. Heer n’a pas manqué de s’en préoccuper dans la préface même de sa grande Flore fossile arctique.

L’altitude et la latitude, remarquons-le, malgré la stricte coïncidence des résultats qu’elles entraînent respectivement, ne relèvent pourtant pas du même ordre de phénomènes. Sur les montagnes, c’est la raréfaction de l’air qui est la cause du froid ; les rayons plus directs du soleil et les longs jours d’été atténuent cette cause et amènent, avec la fonte des neiges, la rapide floraison des plantes alpines. — Vers les pôles, ce n’est plus la raréfaction de l’air, mais l’obliquité des rayons solaires, combinée avec la longue durée des nuits d’hiver, qui déprime la température. La permanence du soleil, qui, durant les mois d’été, ne quitte plus l’horizon, fait disparaître la neige et dispense aux plantes arctiques la lumière et la chaleur nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions. Les deux causes se combinent pourtant de manière à agir à la fois, puisque l’élément de la latitude influe simultanément avec l’altitude sur les conditions climatologiques des montagnes échelonnées du sud au nord de la zone tempérée boréale. Bans le voisinage du cercle polaire et au-delà, les deux facteurs se confondent ou plutôt l’altitude se trouve annulée à mesure que le niveau des neiges permanentes s’abaisse jusqu’à toucher presque le niveau de la mer, tandis que la végétation arborescente se trouve finalement éliminée. On peut dire à ce point de vue que tout devient montagne dans la zone arctique, qui n’est elle-même, si l’on s’attache à la géographie botanique, qu’une croupe montagneuse indéfiniment étendue.

En dépit de la dualité des phénomènes, leur étroite combinaison tend à uniformiser les effets qu’ils produisent sur les plantes soumises à leur action immédiate.

M. Nathorst a très bien remarqué qu’au Spitzberg les pelouses les plus fleuries étaient situées de préférence en contre-bas des escarpemens, sur des pentes en talus, d’une inclinaison suffisante pour corriger l’obliquité des rayons solaires, dont l’angle d’incidence atteint alors la perpendiculaire ou s’en rapproche sensiblement. Et