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EN TUNISIE

SOUVENIRS DE VOYAGE.


Mercredi 12 décembre.

Le soleil est déjà couché comme nous approchons de Sousse ; mais les crépuscules rouges nous donnent ici, comme ces derniers temps à Tunis, le splendide spectacle d’un ciel embrasé de pourpre et de feu. La journée a été longue pour nos petits chevaux arabes, qui nous ont vaillamment traînés, depuis le lever du jour, à travers pays. Ce matin, nous quittions le Dar-el-Bey de l’Enfida, avec le consolant espoir de nous retrouver dans peu de jours sous son toit hospitalier. Hier, nous avions parcouru la première moitié de la longueur de ce grand domaine : aujourd’hui, pendant cinq heures, nous en avons traversé le reste, précédés d’un cavalier arabe pour nous indiquer la bonne voie, — car de chemin, à vrai dire, il n’y en a guère, quoique ce soit la grand’route de Tunis vers le sud. Mais ici un chemin est plutôt la direction vers où l’on va qu’autre chose. Nous avons franchi un nombre illimité de petits oueds, presque à sec heureusement : tous aux talus escarpés, ravinés, aux lits pierreux. Tantôt nous traversons de vastes étendues sablonneuses, où les roues enfoncent à mi-hauteur ; tantôt, c’est le roc, ou une suite d’ornières périlleuses ; — ou bien une sorte de boue, sèche et craquelée, plus rude que tout le reste.