Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/794

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Entre toutes les libertés publiques, deux surtout tiennent au cœur des catholiques, les deux dont les gouvernemens leur disputent le plus souvent l’usage : la liberté d’enseignement et celle d’association, deux facultés presque également essentielles à sa mission, que l’église revendique comme un droit naturel chaque fois qu’elle ne peut les exercer comme un privilège. C’est ce double besoin qui, à quarante ans de distance, a contraint les catholiques de se réclamer de nouveau du nom de liberté, alors même qu’ils ont cessé de se dire libéraux et que beaucoup s’en sont volontairement enlevé le droit. C’est autour de ces deux questions, intimement liées l’une à l’autre, qu’au XXe siècle comme au XIXe, porteront principalement les luttes religieuses, jusqu’à l’ère encore éloignée de la pacification définitive dans le règne incontesté de la liberté. Sur ces deux points, non moins débattus sous la monarchie de juillet qu’aujourd’hui, les catholiques de 1840 prétendaient bien défendre les droits de la conscience avec les intérêts de l’église.

La révolution a, pour le droit d’association, fait parfois aux catholiques une situation aussi dure qu’irrationnelle. Ce droit, dont elles avaient longtemps été investies à titre de privilège, les congrégations religieuses se le sont vu disputer, alors qu’en principe on le proclamait pour tous. Après avoir été, pour ainsi dire, au-dessus de la loi, elles ont été en quelque sorte mises hors la loi, hors du droit commun par les défiances des gouvernemens ou les haines de la démocratie. Comme s’il ne pouvait se renfermer dans sa sphère légitime, l’état, après avoir imposé le respect des vœux monastiques, a prétendu les interdire ou les réglementer à sa guise. Aux prétentions de l’état les catholiques libéraux opposaient la liberté et l’égalité devant la loi. Ils étaient tous trop profondément catholiques pour ne pas prendre en main la cause des moines, qui sont la grande originalité et la grande force du catholicisme. La renaissance monastique du XIXe siècle était pour eux un des meilleurs signes de la renaissance religieuse, et ils pouvaient se flatter d’y avoir largement contribué. Tous avaient le respect et l’amour du froc. Lacordaire était fier de le porter, Montalembert s’en faisait l’historien. Rien ne leur tenait plus à cœur que de rendre en France à l’habit religieux le droit de bourgeoisie qu’il avait perdu en 1790. Sentant que, pour l’église comme pour l’état, le terrain de la liberté était le plus sûr, ils refusaient dès lors de se prêter à la distinction des congrégations reconnues et non reconnues ; ils préféraient n’invoquer que le droit naturel et le droit public.

Ils agirent à cet égard avec non moins de résolution que pour la liberté d’enseignement. Convaincus, selon le mot de l’un d’entre eux, que la liberté se prend et ne se donne pas, ils affirmèrent leur droit