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retraite, reparaît sur la scène pour prêter sa vieille ardeur à l’agitation. M. Bright n’y met aucune diplomatie ; il n’hésite pas à déclarer que la modération n’est pas son fait, que pour sa part il ne serait « nullement fâché de voir l’existence de la chambre des lords mise en question, » qu’une chambre héréditaire n’a pas de sens dans un pays libre, que les lords doivent abandonner leur veto, et que s’ils ne l’abandonnent pas volontairement, on les y obligera, etc. Les programmes, on le voit, se dessinent d’une façon assez tranchée. Qu’en sera-t-il en réalité ? Dans ce mouvement qui commence, qui l’emportera des esprits sages ou des esprits violens ? On va beaucoup s’agiter, on va faire beaucoup de discours contre les lords, cela est certain, et en définitive il est assez vraisemblable que tout finira encore une fois par des concessions. Les pairs anglais finiront par voter la réforme après une honorable résistance, et le sentiment public s’arrêtera devant une assemblée qui reste encore une des personnifications les plus caractéristiques de la vieille Angleterre.

Tel est le mouvement des choses dans les pays où l’opinion règne et gouverne. C’est l’opinion qui fait la force du ministère libéral en Angleterre, et rien n’indique, rien ne laisse pressentir un revirement prochain ; c’est l’opinion qui a renversé récemment un ministère libéral en Belgique et qui a élevé au pouvoir un ministère conservateur, catholique ou indépendant, comme on voudra l’appeler. Quel qu’ait été le résultat des élections complémentaires qui viennent de se faire pour le sénat belge, — et ce résultat, au moins à Bruxelles, est favorable aux libéraux, — le cabinet formé et présidé par M. Malou garde toujours une majorité qui est plus que suffisante dans la chambre des représentans comme dans le sénat, qui dépasse même toutes les anciennes majorités, libérales ou catholiques. Maintenant que tout cela est fait, que l’opinion a dit son dernier mot par les élections et que les chambres sont réunies, le ministère n’a plus qu’à gouverner, à dégager pour ainsi dire par ses actes, par la direction qu’il va imprimer aux affaires belges, le sens de cette évolution. C’est là justement le difficile pour un gouvernement placé entre des adversaires qui se remettent par degrés de leur défaite, qui ont repris courage surtout après les récentes élections sénatoriales de Bruxelles, et des amis impatiens de profiter, peut-être d’abuser de leur victoire. La question, pour le nouveau ministère belge, est de donner satisfaction au mouvement d’opinion qui l’a porté au pouvoir sans se laisser entraîner à des excès de réaction, sans commettre des fautes dont ses adversaires ne tarderaient pas à tirer parti. Ses premiers actes suffisent-ils à préciser le caractère et les limites de sa i politique ? Évidemment il y avait quelques points sur lesquels il ne pouvait éviter tout d’abord de se prononcer. Dès que les chambres ont été réunies, il a demandé un crédit pour renouer des relations régu-