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été voté sans difficulté, presque sans opposition, même avec l’assentiment chaleureux de M. l’évêque d’Angers. L’intention générale reste la même ; mais la question délicate subsiste toujours et reste aussi la même. Le vote des cinq millions ne dit pas ce qu’on veut faire. Se bornera-t-on à camper sur quelques nouveaux points des côtes, comme on campe déjà à Tamatave et à Majunga ? S’engagera-t-on dans l’intérieur de l’île, jusqu’à la Capitale Tananarive ? S’en tiendra-t-on à une occupation partielle ? Se décidera-t-on pour l’occupation totale ? M. le président du conseil et M. le ministre de la marine ont évité d’exprimer une opinion bien nette, préférant laisser une certaine liberté à M. l’amiral Miot, commandant de l’expédition. M. l’amiral Miot est certainement homme à mériter la Confiance qu’on met en lui ; mais il aimerait probablement mieux savoir d’une manière plus précise ce qu’il doit faire. A Madagascar comme au Tonkin, le danger est dans cette politique à la fois audacieuse et indécise qui, en permettant toutes les tentatives, s’expose à tous les mécomptes.

Quant à la question égyptienne à laquelle la France est certes intéressée, et qui est en ce moment soumise à la conférence de Londres, si elle a fait un pas depuis quelques jours, elle l’a fait bien petit, et elle est peut-être plus près d’un nouvel ajournement que d’un dénoûment. La difficulté est tout entière dans la différence des plans proposés par la France et par l’Angleterre pour la liquidation ou la régularisation des finances égyptiennes. Les deux puissances ont signé, il n’y a que quelques semaines, un arrangement au sujet de l’Egypte ; elles s’étaient réservé, à ce qu’il paraît, le droit de n’être plus d’accord le lendemain. L’Angleterre a son programme financier, la France a un autre programme. La conférence, placée entre les deux projets, n’a rien décidé encore, et les plénipotentiaires attendent en paix à Londres des instructions nouvelles qui ne seront peut-être pas plus décisives.

Bien des affaires sont donc engagées aujourd’hui dans le monde, et pour la France, et pour l’Angleterre, et pour tous les pays grands ou petits. Sous l’apparence d’une paix générale, qui heureusement ne semble pas menacée, la vie des nations n’a jamais été peut-être plus compliquée d’incidens de toute sorte, de conflits d’opinions ou d’intérêts, de difficultés extérieures ou intérieures. Aux débats diplomatiques se mêlent les luttes de parlement, les crises politiques, sociales ou économiques, et au moment même où se traitent à Londres ces affaires d’Egypte qui ont sans doute leur importance, qui ne s’approchent guère du dénoûment, l’Angleterre, pour sa part, a devant elle une bien autre question qui l’occupé et la passionne. C’est cette question de la réforme électorale, qui prend décidément la première place dans la politique anglaise, qui s’aggrave de plus en plus et par les conflits de pouvoirs