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au-delà de certaines limités, est un acte délictueux, dont les auteurs devraient être passibles des peines correctionnelles réservées à ceux qui sophistiquent les matières alimentaires ou qui trompent sur la nature de la chose vendue. Mais nous leur répondrons que le vinage détruisant le bouquet ne pourra jamais être pratiqué sur des vins ayant quelque valeur ; qu’il ne pourra, par conséquent, pas nuire à la réputation si justement établie de nos vins d’exportation ; qu’il sera presque exclusivement employé à empêcher les vins faibles de tourner ou à relever de quelques degrés le titre alcoolique des vins indigènes grossiers et fortement colorés qui remplaceront avantageusement ceux qui nous arrivent de l’Espagne ou de l’Italie après avoir subi la même manipulation ; que, loin de nuire aux viticulteurs, cette mesure leur permettra d’utiliser les mauvaises récoltes, et qu’enfin il est bien facile de ne la voter que pour un certain nombre d’années déterminé par la durée de nos traités de commerce.


III

Le vin doit-il être considéré comme un produit naturel ? Cette question paraît fort simple à résoudre ; on peut cependant y répondre de deux façons différentes : affirmativement, si l’on considère que le fruit de la vigne contient tous les élémens de ce bienfaisant liquide ; négativement, si l’on tient compte des changemens survenus dans les moûts sous l’influence de la fermentation. Après qu’elle s’est effectuée, les deux liquides ne se ressemblent plus. Le vin n’est donc pas un produit naturel dans le sens littéral du mot, c’est plutôt un produit secondaire obtenu par la fermentation et par la combinaison des divers élémens contenus dans le raisin. Si ces élémens se trouvent en quantité suffisante, si leur transformation est complète, les vins seront de bonne qualité ; sinon, la dégustation ou l’analyse nous indiquera les principes qui leur ont fait défaut.

Le facteur principal de la vinification est sans contredit la glycose ou sucre de raisin ; sans glycose, point d’alcool, et par conséquent point de vin. On comprendra, dès lors, combien les vignerons sont intéressés à le remplacer par des substances équivalentes lorsqu’il se trouve en trop faible quantité dans les moûts. Les glycoses bien épurées, les sucres de canne ou de betterave, dont la composition chimique est identique à celle du sucre de raisin, peuvent servir à cet usage ; et leur emploi judicieux ; permet, avant toute fermentation, de doser, dans des proportions mathématiques, le titre alcoolique des cuvées jusqu’à 15 degrés centigrades