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fonctions, alliances continuellement variables des diverses parties de l’organisme temporairement unies pour un but commun.

Cela revient à dire qu’il y a, dans l’appareil circulatoire, autre chose encore à considérer que les quatre grandes divisions des artères, des veines, des capillaires et du cœur, qui réalisent la circulation générale. On y doit reconnaître autant de circonscriptions particulières qu’il y a d’organes. Ces sortes de circuits dérivés, branchés sur le circuit principal, capables de régler eux-mêmes leur consommation, — comme tel ou tel établissement industriel est maître de puiser dans la canalisation commune les quantités de gaz et d’eau appropriés à ses besoins, — ces départemens distincts de la grande circulation, ce sont les circulations locales.

Par quel artifice chacun des départemens peut-il s’isoler du circuit général et comment, à d’autres momens, peut-il établir avec lui de larges communications ? La réponse est simple : c’est par le jeu des nerfs vaso-moteurs et des muscles des vaisseaux. Il existe autour des petites artères une tunique musculaire formée de fibres disposées en anneau. Lorsque ces fibres se contractent, elles resserrent le vaisseau et diminuent son calibre quelquefois jusqu’à l’effacement. C’est en quelque sorte un robinet qui se ferme plus ou moins complètement ; selon que son ouverture sera plus ou moins grande, on conçoit que le débit sanguin pourra varier de toutes les façons et se proportionner à toutes les nécessités. Deux sortes d’agens sont préposés au maniement de cet appareil d’obturation : l’un fait contracter les muscles vasculaires et restreint, en conséquence, le calibre ; il ferme le robinet du branchement qui relie l’organe à la grande canalisation : c’est le nerf vaso-constricteur ; l’autre agent a une fonction tout opposée ; il ouvre la porte au sang en relâchant l’anneau vasculaire : c’est le nerf dilatateur. Ces puissances antagonistes président aux circulations locales, et, par suite, à la nutrition et au fonctionnement des parties.

Ces nerfs d’une espèce si singulière étaient inconnus avant l’année 1851 ; on n’avait encore, à cette époque, qu’une idée très vague des mécanismes que nous venons de décrire à grands traits. Xavier Bichat, au commencement du siècle, et Stilling, un peu plus tard, avaient pu en soupçonner l’existence. Claude Bernard vint changer ce soupçon en certitude. Il découvrit les instrumens nerveux des circulations locales et les mit en évidence par une expérience tellement simple qu’on peut la croire l’une des plus faciles de la physiologie ; Elle est aujourd’hui classique et se répète dans tous les cours. L’expérience de Claude Bernard Eut complétée par M. Brown-Sequard, et les noms de ces deux physiologistes resteront attachés dans l’avenir à cette importante conquête de la science. La question d’ailleurs