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et chaussées. Ces études, faites en 1875-76, démontrèrent la possibilité d’établir une voie ferrée à travers le Mont-Blanc. Les chambres durent s’occuper plus tard de cette affaire en même temps qu’elles revenaient sur celle du Simplon. En 1879, au sénat, M. le général Billot déposa, nous l’avons dit, un rapport favorable au Mont-Blanc, tandis qu’à la chambre des députés M. Wilson proclamait de nouveau les avantages du Simplon.

L’idée des promoteurs de cette affaire, en l’opposant à celle du Simplon, a été surtout une idée patriotique, celle de construire un chemin de fer international en terre toute française, car le Mont-Blanc nous appartient entièrement depuis que la Savoie nous a été cédée par l’Italie. Le tunnel, ici, commencerait donc en terre française et non point helvétique ; il sortirait en terre également française, et non point italienne ; tout le chemin serait ainsi français. On comprend assez par là qu’au point de vue non-seulement économique, mais encore stratégique, le chemin du Mont-Blanc soit d’une grande importance.

Le tunnel du Mont-Blanc serait creusé à l’altitude de 1,140 mètres d’un côté et 1,050 de l’autre ; il aurait 19,220 mètres de long, et, sur un autre point, 18,9Û0 mètres, dont 13,640 mètres pour le tunnel proprement dit et 5,300 pour ce que l’ingénieur qui a projeté ce tunnel appelle les galeries sous vallées. On estime que le creusement durerait six ou sept ans ; mais nous sommes ici sous le point culminant des Alpes, nous avons un faîte de plus de 3,000 mètres sur nos têtes, et les physiciens estiment que la température qu’on pourrait rencontrer dans le fonçage du tunnel dépasserait 40 degrés centigrades atteindrait peut-être 50. À ce compte, toutes les ventilations possibles d’air frais, qui sont si faciles à obtenir au moyen des machines perforatrices à air comprimé qu’on emploie dans le creusement des tunnels, ne donneraient qu’un abaissement d’un demi à un degré, comparé à la température propre de la roche à ces énormes profondeurs, et ce ne serait pas suffisant. Dans ce cas, le tunnel ne serait pas exécutable et c’est là l’objection la plus sérieuse qu’on puisse faire au projet du Mont-Blanc, avec cette autre, qu’il ne ferait en réalité que doubler le Mont-Cenis.

La voie du Mont-Blanc conduirait de Chamonix à Aoste et d’Aoste à Ivrée, où l’on trouve les chemins de fer qui mènent à Turin, à Milan, à Plaisance, sur la section italienne ; du souterrain à Aoste il y aurait 80 kilomètres à faire, et d’Aoste à Ivrée, on compte 67 kilomètres : c’est en tout 97 kilomètres à construire. Du côté français, ce serait une dépense de 64 millions rien qu’en souterrains et galeries, sans compter la ligne d’Albertville à Chamonix, classée par la loi du 17 juillet 1879, mais qui est loin d’être commencée.