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ports, dont l’un à Panama, à écluses, l’autre, à Colon, avec une jetée de 1,000 mètres ; creuser, sur une longueur prise aux deux tiers de l’isthme en venant de Colon, à travers la chaîne des Andes, une tranchée qui aura jusqu’à 110 mètres de hauteur et courra sur plusieurs kilomètres ; enfin, élever entre deux collines, au moyen de ces déblais, un énorme barrage d’un kilomètre de long, de 45 mètres de haut, de 850 mètres de large, pour endiguer, pour barrer le fleuve torrentiel du Chagrès, qui emmagasinera de la sorte un milliard de mètres cubes d’eau. Le Chagrès, ainsi dompté, s’en ira par un émissaire ou déversoir à la mer, parallèlement au canal, sans s’y mêler, sans le troubler. La puissance explosive de la dynamite, les excavateurs, les dragues gigantesques, surtout celles des Américains, qui remuent automatiquement 5,000 mètres cubes de roches par jour, justifient toutes ces audaces, et c’est à ce point de vue qu’un tunnel de 20 kilomètres, toutes choses du reste prévues et égales, ne doit pas non plus nous surprendre aujourd’hui.

La dernière station dont partira le tunnel du Simplon est celle de Brieg, dans le canton de Vaud, sur la ligne du Simplon, laquelle mesure 117 kilomètres de Bouveret à Brieg. De Brieg à l’entrée du tunnel, il y a 2,448 mètres de chemin de fer à faire. Vient ensuite le long tunnel tournant de 20 kilomètres de long, qui devra sortir à Iselle, et pour le creusement duquel on établira deux puits. D’Iselle à Domo d’Ossola on compte 20 kilomètres. De Domo d’Ossola à Milan, le chemin de fer n’existe qu’à partir d’Arona, à la pointe sud du lac Majeur ; mais le gouvernement italien se chargera de cette voie d’accès. La ligne du Simplon, on le voit, a au sud le même aboutissant que le Gothard, et c’est là une objection qu’entre beaucoup d’autres lui font ses opposans.

Il est difficile d’avoir un devis exact des dépenses pour l’exécution de la ligne du Simplon. On en peut néanmoins estimer le coût total, avec tous les abords de la voie et y compris le tunnel, à 130 ou 140 millions. La difficulté est de trouver cette somme. Naguère, on comptait sur des subventions qui auraient été fournies par les états intéressés, comme au Gothard, La France aurait, par exemple, donné 50 millions, comme il a été dit, l’Italie 30, la Suisse 20, total 100 millions : le Gothard en a bien reçu 119. Mais la France ne profiterait de ce chemin, qui ne passe pas sur son territoire, que pour son transit du nord et du nord-est, sur une bande du pays enserrée entre Dunkerque et Le Havre, comprenant Paris et convergeant vers le Jura et Genève. Les voyageurs et les marchandises en transit suivraient cette voie pour aller en Italie, et, outre les deux ports déjà cités, Calais, Boulogne, Dieppe, Rouen, profiteraient aussi de la