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de projets toujours nouveaux, accompagnés de nombreuses cartes, et, depuis 1882, il fait même paraître un Bulletin mensuel du tunnel du Simplon, où il tient le lecteur au courant de ses espérances et des progrès du Gothard.

Le dernier projet de tunnel que la compagnie ait publié date de 1882. Il donnerait, d’après ses auteurs, par des modifications opérées à la traversée du Jura, un raccourci sur le Gothard d’environ 100 kilomètres, de la Mer du Nord à Plaisance. Le tunnel serait ouvert à une altitude de 789 mètres du côté nord ou suisse, de 678 mètres sur le côté sud ou italien, et il atteindrait, au point culminant central, une altitude de 708 mètres. Il ne passerait pas précisément sous le Simplon, mais sous le col de Monte-Leone, et il aurait une longueur totale de 20,000 mètres, ou une fois et un tiers la longueur du tunnel du Gothard, le plus long de tous les tunnels connus. Un pareil ouvrage coûterait au moins 80 millions de francs, à 4,000 francs le mètre courant, comme il ressort des prix de revient des tunnels du Gothard et de l’Arlberg. Malgré le peu d’altitude relative du tunnel du Simplon, les déclivités atteindront encore 20 à 25 millièmes. Mais la question de la température souterraine est ici non moins importante et pleine encore d’incertitude. On sait que le thermomètre monte d’un degré par 30, 40 ou 50 mètres de profondeur sous le sol, suivant les cas, et ces expériences ont tout d’abord été faites dans les mines les plus profondes. Ici, nous prenons le tunnel si bas que nous avons un massif de 3,000 mètres sur la tête, et qu’on parle de températures qui atteindront peut-être 35 et 40 degrés. Nous savons ce que les ouvriers ont déjà souffert au Mont-Cenis, au Gothard. Au Simplon, le malaise sera encore plus grand, et c’est pourquoi M. Meyer, ingénieur en chef de la construction au chemin de fer de la Suisse occidentale et du Simplon, qui a fait le dernier projet de travaux, a imaginé un tunnel coudé, long de 20 kilomètres, pour diminuer les risques d’une trop grande élévation de température.

Une œuvre si formidable, avec tous les perfectionnement réalisés à l’Arlberg, demanderait au plus sept ans. On creuserait du reste le tunnel au moyen de deux puits, qui contribueraient singulièrement à l’aérage ; et c’est ainsi que des travaux qu’on aurait jugés hier comme absolument irréalisables et beaucoup trop coûteux deviennent aisément exécutables aujourd’hui en peu de temps, avec économie. Le canal de Panama, pour lequel les ingénieurs demandaient en 1879 plus d’un milliard de francs et douze ans, se fera avec 600 millions et en six ans ; il sera fini en 1888. Et cependant, il faudra remuer 100 millions de mètres cubes de roches, sur une étendue de 74 kilomètres ; faire deux grands