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Le 8 février 1882, M. de Freycinet, alors ministre des affaires étrangères et président du conseil, eut l’idée de faire de M. Amédée Marteau, publiciste, rédacteur d’un journal du Havre, une sorte de consul ambulant. Il le chargea, pour commencer, d’étudier l’influence que pouvait avoir, au point de vue des intérêts français, l’ouverture du chemin de fer du Gothard. M. Marteau visita Marseille, Gênes, Milan, Lucerne, Bâle et adressa un premier rapport au gouvernement le 5 juillet 1882. Il y avait alors seulement un mois que la ligne du Gothard était en exploitation. L’année suivante, M. Marteau repartit pour faire un nouvel examen et un deuxième rapport de lui fut publié en novembre 1883.

Dans ce dernier rapport, M. Marteau constate que le commerce général de la France avec l’Italie, en 1882, a diminué de 23 millions, tandis que le commerce de l’Allemagne, comparé à celui de 1881, a augmenté de 18 millions. La diminution a porté chez nous sur les tissus de soie, de laine, de coton, la mercerie, la bimbeloterie, la verrerie, la porcelaine, la faïence, les produits chimiques, les ouvrages en bois. M. Marteau dit qu’il a rencontré en Italie, en Suisse, de nombreux agens allemands qui venaient tirer parti de la nouvelle voie pour accélérer les échanges entre les trois pays, mais surtout avec l’Allemagne ; et il a attribué à l’influence de ce chemin de fer, qui n’avait cependant, en 1882, que sept mois d’existence, le déficit qu’il constatait dans notre commerce avec l’Italie et l’augmentation qu’il relevait chez les Allemands. Il dit encore que la ligne de Mont-Cenis a perdu, en 1882 et en 1883, des centaines de mille francs sur le rendement de son trafic et que la perte sur la recette kilométrique a déjà dépassé, pour les sept premiers mois de 1883, le chiffre de 3,000 francs. En fait, cette perte a été, en 1882, de 58,000 francs, soit 1,110 francs par kilomètre, et, en 1883, de 402,959 francs, soit 3,030 francs par kilomètre ou 6 pour 100. Mais aujourd’hui la perte n’existe plus, et, dans le premier semestre de 1884, le Mont-Cenis est en gain sur le semestre correspondant de 1883, de 55,000 francs, soit 1 fr. 87 pour 100 par kilomètre. M. Marteau ajoute enfin que l’Allemagne a gagné sur le marché italien ce que la France a perdu, et que l’augmentation a porté principalement sur les liquides, les denrées coloniales, les produits chimiques et tinctoriaux, les minerais, les métaux bruts et ouvrés, les céramiques, la verrerie, les céréales, les farines, les pâtes. Sur les faïences et la verrerie seules, l’exportation de l’Allemagne en Italie s’est accrue de 6 millions.

Tout ce raisonnement nous paraît peu fondé, et le remède que nous propose M. Marteau de construire un chemin de fer par le col du Simplon, semble bien anodin. Il y a, dans notre commerce