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Chiasso, 29 fr. 45 les 100 kilogrammes, de Dusseldorf, 27 fr. 95 ; mais de Lucerne à Chiasso, c’est 29 francs. Les Suisses n’ont-ils pas raison de crier ? Par l’établissement de ses tarifs, la Compagnie du Gothard protège principalement le transit et néglige le commerce intérieur.

La lutte du Mont-Cenis contre le Saint-Gothard n’est guère possible, à moins que la Compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée ne diminue beaucoup ses tarifs. Ainsi de Zurich à Gênes, par le Mont-Cenis, le transport des machines est de 5 fr. 33 les 100 kilogrammes, tandis que, par le Gothard, il n’est que de 4 fr. 37, soit un franc de moins. Il est vrai que ce cas est le plus défavorable ; car si l’on part de Milan pour Paris, par le Saint-Gothard ou le Mont-Cenis, on trouve les mêmes distances, on met le même temps, on paie le même prix, à très peu de différence près. Ainsi, de Paris à Milan, par Modane et Turin, il y a 951 kilomètres, on paie 119 fr. 75, et l’on met 22 heures ; de Paris à Milan, par Bâle, Lucerne et le Saint-Gothard, on compte 924 kilomètres, on paie 117 fr. 35, et l’on met 25 heures.

L’Allemagne étend de plus en plus son commerce avec l’Italie par le Gothard, et cela la France ne peut guère l’empêcher, car cette voie nouvelle a été faite essentiellement pour développer les échanges que l’Allemagne, la Suisse et l’Italie peuvent opérer entre elles ; Par le Gothard, passent la bimbeloterie, les machines et les métaux de Nuremberg, les meubles de la Forêt-Noire, la coutellerie et les armes de Solingen, la maroquinerie de Berlin, les cuirs et les peaux de Reutlingen, la mercerie, les fils d’Elberfeld, de Leipzig, les papiers peints de Crefeld, les fers, la quincaillerie d’Essen, le fer et l’acier de Manheim, les tissus de coton et de lin de Bielefeld, les draps, les flanelles de Chemnitz. que l’on prenne maintenant la mercerie, la bimbeloterie, l’article de Paris, et, dans nos départemens de l’Est, les Vosges, la Meurthe-et-Moselle, tous les produits manufacturés analogues à ceux dont nous venons de parler pour l’Allemagne, on verra que l’élévation de nos tarifs de chemins de fer nous empêche de lutter, et cependant nous ne pouvons lutter contre cette concurrence déjà si sérieuse que par un abaissement notable des tarifs. Cet abaissement, les compagnies intéressées, celle de Paris-Lyon-Méditerranée et celle de l’Est, au besoin celle du Nord, pourraient l’entreprendre de concert avec l’état. On sait que les compagnies, depuis les conventions que l’état a conclues avec elles, sont favorables à l’abaissement des tarifs et qu’elles sont prêtes à faire la même diminution que l’état si celui-ci abaisse, de son côté, les impôts qui pèsent encore si lourdement sur les transports.