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de l’extérieur, la ventilation est très bonne. Passé le milieu du tunnel, le point culminant de la voie est de 1,154 m,60 au-dessus du niveau de la mer ; le point culminant, du tunnel du Mont-Cenis est plus haut de 180 mètres.

On descend, et l’on suit la vallée du Tessin. Nouvelle succession de tunnels. Les neiges se montrent de nouveau. La voie est encaissée. Peu à peu, la vallée s’élargit. On salue Biasca, Bellinzona, avec ses trois pittoresques châteaux, autrefois lieux de séjour des syndics ou baillis des trois cantons qui gouvernèrent la vallée du Tessin jusqu’en 1798 : Uri, Schwytz, Unterwalden. On arrive au lac Majeur, où l’on quitte la vallée du Tessin : le Tessin se jette dans ce lac ; de là, on salue Lugano et le lac Lugano, que l’on suit et qu’on traverse par le milieu sur une chaussée qui divise le lac. Aucune vue plus magique. Enfin on touche à Chiasso, où surgit la douane italienne. Ici la voie du Gothard s’unit à celle de Côme, Monza et Milan. Un embranchement qui se soude sur la voie principale en aval de Bellinzona va à Locarno, sur la rive droite du lac Majeur ; un autre, qui se détache du premier, suit la rive gauche du lac Majeur jusqu’à Pino, ce qui permet de gagner Gênes par Novare et de faire du port de la Ligurie le port de la Suisse et d’une partie de l’Allemagne sur la Méditerranée.

Ce qui assure la prospérité de la ligne du Gothard, malgré tous les inconvéniens qu’elle présente et que nous avons signalés, c’est précisément la situation réciproque de l’Italie, de la Suisse et de l’Allemagne, soit au point de vue économique, soit au point de vue géographique. Le versant sud du Gothard est italien, car il comprend d’abord un canton de langue italienne, le Tessin, puis le Milanais, et l’on peut dire aussi le Piémont et la Vénétie ; et de même, le versant nord est allemand, car d’abord il ne renferme que des cantons de langue allemande, et par Zurich et Bâle, il communique avec l’Allemagne du sud et de l’ouest. La vallée du Rhin, et subsidiairement celle de l’Escaut, enfin celles du Weser et de l’Elbe, sont reliées par là avec celles du Tessin et du Pô ; la Mer du Nord avec la Méditerranée ; Anvers, Brème, Hambourg, avec Gênes, Venise et Trieste ; en un mot, c’est le nord et le sud de l’Europe qui communiquent par ce tunnel.

La Suisse est un pays industriel, l’Italie un pays agricole, l’Allemagne une contrée à la fois industrielle et agricole ; mais, pour le cas qui nous occupe, plus industrielle qu’agricole. Là est tout le nœud des relations qu’ouvre le Gothard entre ces trois pays. L’Allemagne expédie par là à l’Italie les houilles de la Sarre, de la Ruhr, de la Saxe, qui déjà font concurrence aux charbons anglais dans la Lombardie et le Piémont ; les fontes, les fers, les aciers, les métaux