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c’est-à-dire pour le Saint-Gothard proprement dit, tel pour le Bernardino, le Splugen ou le Septimer, tous les trois à l’ouest du Saint-Gothard, mais dans le même massif alpin. Les cantons de la langue française, Genève en tête, opinaient pour le Simplon. A vrai dire, la Suisse n’avait ni les fonds ni le pouvoir politique suffisans pour mener à bien toute seule, surtout dans l’état où se trouvait alors l’Europe, une aussi colossale entreprise. L’Allemagne, l’Autriche, la France, y avaient d’ailleurs chacune des intérêts opposés ; force fut donc d’attendre.

En 1860, un premier pas fut fait par la fondation de l’unité italienne. L’Autriche, dans la question du percement des Alpes, se trouva ainsi évincée. En 1866, nouveau pas en avant, par l’établissement de la confédération de l’Allemagne du Nord, a la suite de la défaite de l’Autriche à Sadowa. Le moment était venu de songer au percement projeté par un concert de l’Allemagne, de la Suisse et de l’Italie. En 1869, se tint la conférence de Berne, imaginée par M. de Bismarck, et où intervinrent à la fois la Suisse, l’Allemagne du Nord, le grand-duché de Bade, le royaume de Wurtemberg, enfin l’Italie. La perforation du Saint-Gothard y fut décidée. La France s’inquiéta, le corps législatif s’émut. M. Rouher annonça que la chose était si grave qu’elle serait traitée diplomatiquement. En attendant, on songeait en France au percement du Simplon pour contre-balancer les effets du Gothard. Le 20 juin 1870, une nouvelle conférence se tint à Yarzin, sous la présidence de M. de Bismarck. Le creusement d’un tunnel alpin par le col de Saint-Gothard y fut de nouveau résolu. Sans l’affaire du Hohenzollern d’Espagne, qui amena la guerre néfaste de 1870-71, nous aurions peut-être vu là un autre casus belli.

Les événemens militaires et politiques qui suivirent portèrent momentanément l’attention de l’Allemagne d’un autre côté que de celui des Alpes, et ce ne fut en réalité que le 1er octobre 1872, — on peut dire après vingt-quatre ans de discussions, de pourparlers, de chicanes, — que le premier coup de pioche fut enfin donné. Au 31 décembre, on avait pénétré déjà de 120 mètres dans les Alpes, attaquées à la fois du côté nord ou helvétique, à Gœschenen, et du côté sud ou italien, bien qu’appartenant au canton du Tessin, à Airolo. En 1873, on avança de 3 mètres par jour au total ; en 1874, ce fut près de 5 mètres ; en 1875, 6m, 65 ; en 1878, 7 mètres ; en 1879, 6m, 40. En somme, la moyenne a été de 5m, 58 ou plus du double de celle du Mont-Cenis, qui est, on l’a vu, de 2m, 60. Le 29 février 1880 à onze heures dix minutes du matin, le tunnel était terminé, les deux parties communiquaient ensemble, on avait fait en sept ans et cinq mois 7, 744m, 70 dans la section de Gœschenen, et 7, 167m, 70 dans celle d’Airolo, en tout 14, 912m, 40, qui est la longueur totale