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Le tunnel du Mont-Cenis, qui fait communiquer Paris avec Turin, la France avec l’Italie, a 10 mètres d’ouverture ou de diamètre. Il est à une altitude de 1,335 mètres au point le plus élevé au milieu du tunnel. A Bardonnèche, l’altitude est de 1,251 mètres, à Modane de 1,159. La rampe du tunnel est de 22 millièmes ou de 0m, 22 par mètre à partir de l’entrée nord en venant de France et sur 6,110 mètres, et la pente est de 5 dixièmes de millimètre par mètre et presque insensible, sur les autres 6,110 mètres, en allant vers Bardonnèche. Il en résulte que la pente générale du tunnel va de la France vers l’Italie, et que c’est comme une énorme cheminée dont le tirage se fait dans ce sens. L’air y est toujours bon, jamais trop chaud. On met vingt-cinq minutes pour la traversée du tunnel en allant dans le sens de la descente et à peu près le même temps dans l’autre sens. Nous ferons observer que le tunnel du Mont-Cenis ne passe pas sous le Mont-Cenis, mais sous le col du Fréjus, et que c’est en réalité le tunnel du Fréjus qu’il faudrait l’appeler, comme l’appellent, en effet, beaucoup de géographes. Le Mont-Cenis proprement dit est à 27 kilomètres environ au nord-est du tunnel.

Avant l’ouverture du tunnel, en 1868, un ingénieur anglais, M. Fell, et un grand entrepreneur, également anglais, M. Brassey, avaient construit sur le Mont-Cenis un chemin de fer avec un rail central à crémaillère, un peu plus élevé que les rails latéraux ; c’était le sysitme qu’on a depuis imité au Righi, en Suisse, et au Kahlenberg, sur le dernier contrefort des Alpes autrichiennes, près de Vienne. Le chemin de fer de M. Fell fut construit en dix-huit mois. Il côtoyait tout le temps l’ancienne route du Mont-Cenîs et offrait, par la disposition particulière des roues de la locomotive et des voitures, des garanties très grandes de solidité et de sécurité. On allait ainsi de Modane à Suse. La perspective dont on jouissait, suspendu au-dessus des abîmes, était des plus saisissantes. Aujourd’hui ce chemin de fer ne fonctionne plus ; quelques ingénieurs ne laissent pas toutefois de penser que, tous les grands tunnels des Alpes étant maintenant percés et ayant tous coûté très cher, on ne fera plus désormais que de ces espèces de tramways alpins pour tous les cols qui restent à franchir par la voie ferrée.


III. — LE CHEMIN DE FER DU SAINT-GOTHARD.

L’idée de percer les Alpes helvétiques par un tunnel de chemin de fer dans la direction de l’Italie a pris naissance dans les cantons un peu avant 1848, au moment où les premières voies ferrées étaient établies en Suisse. Tel penchait pour le Luckmanier,