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travaux du Mont-Cenis et de ses abords ont été entièrement achevés. La première locomotive franchit le tunnel en août, et l’inauguration solennelle eut lieu le 17 septembre. Le 11 juillet, deux mois auparavant, Sommeiller était mort, emporté par une maladie de cœur à la suite des fatigues incessantes qu’il avait endurées pendant tout le temps de l’exécution du tunnel. Il ne put assister à son triomphe. « Je suis perdu, » disait-il à son médecin. « Vous, qui avez percé la grande montagne, vous surmonterez cette épreuve, a répondit l’autre. » Mais lui : « No, è ferma : Non, le poumon est fermé ; » et très peu de jours après, il expira.

La loi du 17 août 1857, votée par les chambres piémontaises, avait fixé la dépense du tunnel et des voies accessoires à 41,400,000 francs, dont 16,600,000 francs pour la construction de 36 kilomètres de voie extérieure. La Compagnie du chemin de fer Victor-Emmanuel devait concourir à cette dépense pour 20 millions. Après la cession de Nice et de la Savoie, en 1860, la dépense totale du tunnel et de ses abords fut estimée à 58 millions, dont la France dut prendre pour sa part 29 millions à partir du 1er janvier 1862. Le coût du tunnel proprement dit fut évalué à 3 millions par kilomètre, soit, en nombre rond, 36 millions, pour le tunnel entier. La France accordait 500,000 francs de prime à l’Italie pour chaque année qui serait gagnée sur les vingt-cinq ans qu’on fixait, à dater du 31 août 1857, pour l’entier achèvement du tunnel, et 600,000 fr. pour chacune des années gagnées au-dessous de quinze. N’oublions pas qu’on était alors en 1862, époque où le tunnel était à peine commencé, on sait au milieu de quelles incertitudes et de quels déboires ; l’œuvre allait cependant être terminée dans huit ans, une fois toutes les difficultés et tous les tâtonnemens du début surmontés.

Par un contrat passé, en 1867, avec MM. Sommeiller et Grattoni, le gouvernement italien leur abandonnait à forfait tous les travaux du tunnel, jusque-là conduits en régie, et leur accordait 4,617 francs par mètre courant qu’ils feraient, en leur imposant la condition de livrer le tunnel avant le 1er janvier 1872. En outre, il leur prêtait gratuitement tout le matériel d’exploitation et de construction : appareils hydrauliques, perforateurs, etc. L’amende pour les entrer preneurs devait être de 1,000 francs par chaque jour de retard dans la livraison du tunnel, et la gratification qu’ils recevraient serait également de 1,000 francs par chaque jour d’avance sur la date extrême fixée pour la livraison. On y ajoutait la moitié de la, prime de 600,000 francs due par la France pour 1871 si l’exécution du tunnel était achevée à cette époque. En réalité, le tunnel du Mont-Cenis avec ses abords a coûté 75 millions de francs, dont la France a payé 38 millions.