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que d’un jour. Brunswick le déclarait indispensable ; Manstein écrivit le 29 septembre à Dumouriez, l’assurant qu’il s’était mépris sur le sens de la déclaration : « Cette réflexion et l’amour de l’humanité me prescrivent de vous demander un entretien pour demain. » Dumouriez, qui disposait alors de plus de 70,000 hommes, préparait un mouvement qui devait, selon lui, forcer les Prussiens à se retirer sur la Meuse ; mais il avait besoin de quelques jours pour se concentrer. Pour les gagner, il comptait harceler l’ennemi, le fatiguer, couper ses convois. Tout en les « tracassant » ainsi, tout en se préparant à les contraindre à la paix, il espérait encore les y amener par les voies de persuasion ; mais il ne croyait plus possible de décider le roi de Prusse à rompre avec l’Autriche : « Ces gens sont insolens, écrivait-il le 29 septembre à Lebrun ; mais ils ont besoin de la paix et je les crois très fâchés de s’être enfournés. La grande difficulté pour eux est de savoir comment ils pourront garder le decorum dans cette négociation. Je crois que décidément le roi de Prusse n’abandonnera pas l’Autriche. Mon avis est aussi qu’il vaudrait mieux consentir à la paix générale, si nous pouvions la faire glorieusement, que de courir les hasards d’une guerre très longue dans notre propre patrie. J’espère qu’ils ne s’aviseront pas de nous demander de l’argent ou des cessions de territoire et que, dans aucun cas, nous ne serons assez lâches pour rien céder qui compromette la dignité nationale. » Mais que voulait-on à Paris ? Dumouriez, dans l’ignorance où il était sur ce point, ne pouvait faire un pas de plus : « Je ne vois point arriver les citoyens Westermann et Benoît que vous m’avez annoncés. Voilà plusieurs courriers très importans qui restent sans réponse. Il est cependant bien essentiel qu’on prenne un parti, ou pour traiter ou pour rompre entièrement. Je le demande avec insistance. »

Dans tous les cas, si l’on voulait renouer, il y avait une condition préalable à remplir : la rétractation du manifeste. Persuadé qu’il l’obtiendrait en tenant ferme, il écrivit à Manstein que, tant que ce manifeste subsisterait, les pourparlers ne pourraient être repris. Il ajouta que, d’ailleurs, il l’avait envoyé à la convention : « Je ne peux, disait-il en terminant, qu’attendre les ordres de mon souverain, qui est le peuple français, rassemblé en convention nationale par ses représentai. » Ainsi, le 29 septembre, les rôles étaient sensiblement changés. Le lendemain de Valmy, les Prussiens avaient eu réellement la pensée de négocier ; maintenant la négociation n’était plus pour eux qu’une ruse de guerre. Ils cherchaient à arrêter Dumouriez par le moyen qu’il avait employé pour les contenir. Dumouriez les avait joués, mais, au fond et tout en profitant de son artifice, il était tout prêt à engager sur cette invite une partie sérieuse. De