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aussi difficile. On n’enseigne pas à des enfans l’art de commander à des hommes. Cela exige une maturité d’esprit, un sang-froid, une réflexion qu’on n’acquiert pas avant vingt-quatre ou vingt-six ans. Retenir des jeunes gens jusqu’à dix-huit ans dans une école sans leur apprendre autre chose que l’instruction primaire et le maniement du fusil, ce serait les condamner à l’oisiveté et nullement leur donner le moyen de gagner leur vie. Il n’y a aucune analogie entre les écoles d’enfans de troupe et celles des mousses de la marine. Ceux-ci apprennent le métier de matelot, qu’ils peuvent exercer sur les bâtimens de commerce comme à bord des navires de l’état, tandis que le métier de soldat ne prépare à remplir aucune carrière civile. Il n’y a pas de rapport non plus entre ces écoles et celles de Saumur ou de Saint-Maixent, qui doivent donner à des sous-officiers déjà formés le complément de connaissances dont ils ont besoin pour devenir officiers. Le meilleur parti à prendre serait donc de renoncer complètement à l’institution des enfans de troupe. On devrait prendre le même parti à l’égard de l’école de La Flèche, destinée à élever des fils de militaires sans fortune. Elle coûte près d’un million par an, et, pour une somme bien moindre, on donnerait un nombre équivalent de bourses dans les lycées : ce serait un secours plus réel, et plus utile à ceux qui en ont besoin.

Il est très important de rechercher les économies qu’il serait possible de réaliser dans le budget de la guerre, car il atteint un chiffre énorme et l’on doit prévoir que, dans un avenir rapproché, de nouvelles dépenses viendront encore s’imposer malgré toutes les répugnances. Les unes proviendront de l’alimentation du soldat, qui doit suivre les progrès de l’aisance générale dans le pays. Le soldat ne boit jamais de vin, à moins qu’il ne l’achète. L’allocation d’une ration de vin tous les deux jours coûterait 15 millions par an. D’autres dépenses seront motivées par l’armement ; et ce point a besoin d’être développé.

Bien que les armes aient acquis un haut degré de perfection, on ne cesse de chercher à les rendre plus parfaites et plus puissantes encore, en profitant de tous les progrès réalisés par les arts industriels, par la métallurgie surtout. Depuis vingt ans, outre diverses améliorations de détail, l’armement de l’infanterie a été renouvelé deux fois. Les canons l’ont été bien plus souvent. Depuis l’invention récente encore des canons rayés lançant des projectiles à ailettes, nous avons vu ceux des systèmes de Reffye, Lahitolle et de Bange, la substitution des pièces en acier à celles en bronze. Tout n’est pas fait encore. Les affûts et les plates-formes pour les bouches à feu de gros calibre sont si peu satisfaisans qu’on fait les plus grands efforts pour arriver à une transformation radicale. Quels seront les résultats de toutes ces études ? Est-il supposable que l’art des inventeurs va subir