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manière à conserver très longtemps les premiers, dont le service exige une haute dose de calme, de prudence et de fermeté. La marine forme au prix d’exercices dispendieux d’excellens canonniers brevetés ; ce serait une institution à introduire dans l’armée de terre. Tout homme n’est pas susceptible de faire un bon pointeur ; il faut pour cela des aptitudes spéciales. Tout homme non plus n’exerce pas bien les fonctions d’artificier ; il est nécessaire d’avoir beaucoup d’ordre et d’attention, du sang-froid, et un mépris habituel du danger. L’art de manier la poudre et les substances explosives sans qu’il en résulte d’accidens ne s’acquiert que par une longue habitude. En revanche, la présence de quelques hommes très expérimentés inspire aux autres une confiance extraordinaire, et le service du canon permet le mélange d’hommes ayant des temps de service très divers. Il en est de même de la conduite des voitures et des pièces, pourvu qu’on n’y attache que des hommes ayant été charretiers ou voituriers. Au combat, le service du canon n’exige pas que tous les hommes soient engagés à la fois. Ceux qui y prennent part les premiers doivent avoir fait l’apprentissage de la bravoure, qui s’acquiert par la durée du service, comme toutes les autres qualités militaires ; les autres suivront.

Le train a besoin d’être très bien commandé, très bien encadré. Si cette condition est remplie, c’est le corps qui supporte le mieux les fortes variations d’effectif. On le sait, et on en abuse quelquefois, ce qui amène souvent le désordre dans les colonnes. Il en est de même pour les services administratifs, que l’on aurait grand tort de regarder comme secondaires. Il faut un bon noyau d’hommes de confiance, suffisant pour alimenter les cadres secondaires ; les autres pourraient ne servir qu’un temps très limité, ce qui donnerait le moyen, en augmentant le nombre des rappelés, de fournir l’énorme accroissement nécessaire en temps de guerre. L’armée possède en ce moment tant d’infirmiers qu’on ne peut les employer, ni même les introduire dans les hôpitaux. On en forme des sections séparées, qui font les exercices d’infanterie, mais n’apprennent absolument rien des fonctions que des infirmiers auraient à remplir. Mieux vaudrait appeler ces hommes pendant six mois à tour de rôle, pour les instruire sous la direction d’infirmiers permanens et les congédier ensuite.

Il faut donc que chaque arme possède une certaine quantité d’anciens soldats, dont la proportion n’a pas besoin d’être la même pour toutes. Sans doute, on n’obtiendra pas ainsi la solidité des corps uniquement composés de vétérans, mais ce noyau suffira pour entraîner la masse et il entretiendra les traditions de corps. La loi actuelle s’est contentée de demander cinq ans de présence sous les drapeaux, qui dans la pratique ont dû même être réduits à quatre.