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Il y avait donc un découvert ; le fait devenait indéniable par le seul témoignage de la cote des reports. Mais les circonstances pouvaient-elles permettre à des haussiers dont la déconvenue venait d’être si forte depuis quelques semaines, de reprendre immédiatement l’avantage en forçant les vendeurs à se racheter quand même, en dépit de tous événemens fâcheux et alarmans ? Bien des raisons devaient tenter les acheteurs, et parmi ceux-ci nous comprenons certains établissemens de crédit de première importance, qui, comme le Crédit foncier de France et le Crédit lyonnais, passent pour être chargés de gros paquets de rente dont la réalisation, aux cours actuels, écraserait le marché et provoquerait une panique générale. Pourquoi ne recommencerait-on pas, par des achats persistans au comptant et à terme, à faire le vide sur ce marché déjà déserté par la plus grande partie de sa clientèle, surtout au moment où la mise en paiement des coupons de juillet, va jeter dans la circulation des sommes considérables dont l’emploi en sérieuses valeurs de Bourse est tout indiqué ? La bonne tenue du marché du comptant finirait par réagir sur les dispositions naturellement moins confiantes du marché à terme ; les vendeurs en spéculation se montreraient plus craintifs, et bientôt croiraient prudent de se racheter, ce qui faciliterait la hausse, alors même que la situation ne semblerait pas comporter un tel mouvement.

C’est ce programme que l’on a vu en partie se réaliser cette quinzaine. Les cours ont d’abord fléchi quelque peu sous le poids des télégrammes de Toulon, puis de ceux de Marseille, annonçant une extension régulière de l’épidémie. Mais la réaction n’a pas tardé à s’arrêter, parce que la spéculation disposée à vendre s’est aperçue que l’on maintenait les cours au comptant avec une extraordinaire fermeté. Les affaires se sont aussitôt restreintes au minimum des périodes de vacances et de chômage d’été, et il a suffi de quelques achats pour relever assez brusquement les cours le jour même où la mortalité cholérique devenait vraiment inquiétante à Toulon. Il n’y a pas de conclusions sérieuses à tirer, pour l’avenir du marché, de ces mouvemens de Bourse, qui, comme celui que nous venons d’expliquer, semblent contraires à toute logique. Il est fort probable que les affaires resteront en fait dépourvues de toute animation jusqu’au mois d’octobre. Nous venons de dire pourquoi on pourra faire monter, par intermittences, les fonds français et quelques bonnes valeurs. Mais la situation ne comporte évidemment pas une hausse soutenue et durable, un mouvement analogue à celui qui, de janvier à mai, avait relevé de 2 ou 3 francs les cours de nos rentes.

Il est impossible que le monde des affaires se désintéresse des graves événemens qui lui causaient, il y a moins d’un mois, de si justes alarmes. La conférence de Londres est réunie, mais il est encore bien douteux qu’elle aboutisse à un résultat satisfaisant, soit au point de vue de