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constitutionnelle, instituer une régence. Il y a un intérêt politique de premier ordre à ce que tout soit réglé pour cette régence, pour le choix de la personne qui l’exercera, du vivant du roi, obligé de signer en quelque sorte son testament. Tout cela a paru d’abord assez délicat. Les difficultés ont dû néanmoins être surmontées, puisque le gouvernement, interpellé dans le parlement, a pu déclarer que le souverain est prêt a sanctionner toutes les mesures nécessaires, qu’une loi sera proposée aux chambres réunies au mois d’août.

Tout d’ailleurs semble assez compliqué dans cette situation nouvelle de la Hollande. D’après la loi fondamentale, il est défendu de toucher à la constitution pendant la durée d’une régence. Or, depuis plus d’un an déjà, on est occupé à La Haye, d’accord avec le gouvernement, à préparer une révision constitutionnelle. Une commission royale a été nommée pour étudier la question, et cette commission a même présenté un rapport où le gouvernement doit puiser les élémens du projet définitif qu’il proposera ; mais, quelle que puisse être la bonne volonté du chef du cabinet, M. Heemskerk, il est douteux qu’il puisse proposer de sitôt son projet, surtout dans les circonstances présentes. La révision qu’on poursuit peut subir des retards, d’autant plus que la constitution exige une procédure, des formalités assez longues, assez embarrassantes. On sait cela à La Haye, et bien des esprits impatiens, inquiets de la santé ébranlée du roi, ont conçu peut-être un peu précipitamment la crainte que la vie du souverain ne se prolongeât pas assez pour que la révision fût présentée, discutée, et votée en temps utile, de sorte que si un nouveau malheur arrivait, on se trouverait en face d’une impossibilité, d’un veto invincible. De là est née dans la chambre la pensée de provoquer de la part du gouvernement des résolutions particulières ; on lui a demandé de proposer, en attendant une réforme constitutionnelle plus complète, la suppression du veto inscrit dans la constitution. On n’aurait pas ainsi les mains liées pendant la durée entière d’une régence éventuelle qui pourrait être longue. Le gouvernement n’a pas décliné du premier coup cette proposition ; il n’a pas repoussé absolument une idée dont la réalisation nécessiterait des élections avant la un de l’année. La question ne laisse pas cependant de demeurer assez compliquée ; elle n’aura pas sûrement une solution très prompte à un moment où les esprits sont vivement préoccupés de la situation générale de la Hollande, et les révisions constitutionnelles, on le voit, ne se font pas aisément même dans les pays les plus calmes, les plus sages.

Ce qui ajoute aux difficultés de la situation, c’est que le ministère de M. Heemskerk, quoiqu’il garde une certaine autorité devant le parlement, n’a pas toujours la vie commode avec les partis. Il a, il est vrai, quelques bonnes fortunes ; il a réussi enfin à obtenir de ses chambres l’approbation de la convention commerciale franco-hollandaise, qui, sans être encore un traité définitif, assure du moins des