Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. le président du conseil à la patience, à la fatigue du sénat, et ces affaires de Chine, qui ont repris tout à coup, il y a quelques jours, une assez importune gravité.

Elle a donc été décidément portée au Luxembourg, cette question de la révision constitutionnelle, qui semble imaginée pour embarrasser et troubler les dernières heures d’une session, pour faire concurrence à la cruelle épidémie répandue en Provence. M. le président du conseil y a tenu comme s’il avait à répondre, sans perdre un instant, à un vœu pressant et impérieux du pays, comme s’il ne se trouvait pas, de son propre aveu, en face d’une complète et parfaite indifférence de l’opinion, il n’a point eu de repos qu’il n’ait eu péniblement arraché à la chambre des députés, à travers toute sorte de contestations et d’interprétations contradictoires, un vote équivoque et obscur, plein de réticences et de menaces, qu’il s’est hâté d’aller soumettre à la bonne volonté du sénat. C’est ce qu’il appelle déployer son initiative et montrer ses facultés d’homme de gouvernement ! Eh bien ! c’est décidé ; après la chambre des députés, c’est au sénat de se prononcer. Que va-t-on faire maintenant, au Luxembourg, de cette proposition qui ne répond à rien, ni à un mouvement sensible d’opinion, ni à des exigences sérieuses d’intérêt public, ni à des difficultés nées du jeu des institutions ? Il est certain que si le sénat avait eu à émettre un vote décisif dès le premier jour, il n’aurait point hésité, il aurait renvoyé la révision a des temps plus propices. Le sentiment général était évident, et il s’est manifesté par le choix des membres de la commission de révision, même de ceux qui ont cru devoir se réserver la possibilité de faire quelques concessions, pour ne pas désobliger le gouvernement. C’était le premier mouvement, celui qu’on prétend être le meilleur. Le lendemain, au second mouvement, on a voulu sans doute faire preuve de bonne volonté ; on s’est mis à discuter les propositions ministérielles, la résolution de la chambre des députés, à chercher ce qu’on pourrait faire sans trop se laisser entraîner, et c’est là justement que sont apparues, comme elles devaient apparaître, les difficultés de la situation que M. le président du conseil lui-même a créée si gratuitement, par une simple fantaisie de réformateur peu convaincu.

Ces difficultés sont de diverse nature. Elles tiennent au fond de la question et à la procédure, qu’on n’a pas réussi encore à fixer. Elles tiennent surtout à ce qu’il y a de vague et d’illimité dans cette proposition, qui, sous prétexte de réaliser une réforme que personne ne réclame, commence à mettre en doute tout l’ensemble constitutionnel. Le fait est que si M. le président du conseil, par ses déclarations, par ses discours qui ont plus ou moins convaincu la chambre des députés, a cru obtenir une limitation, il s’est singulièrement abusé ; il n’a rien obtenu de sérieux et il n’a même réussi à avoir un vote tel quel que parce