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pas interdite aux futures compagnies par le soin avec lequel le gouvernement se fait la part du lion ? Le trafic se développera certainement : les tableaux, dressés avec autant d’intelligence que d’exactitude par les soins de la direction générale de la statistique italienne, ne laissent aucun doute à cet égard ; mais l’accroissement de la recette brute proviendra des lignes nouvelles aussi bien que des lignes anciennes ; la plupart de ces lignes nouvelles seront des raccourcis ; elles joueront, par rapport aux lignes anciennes, auxquelles elles se souderont par les deux bouts, le rôle du troisième côté du triangle par rapport aux deux autres ; elle déplaceront le trafic et réduiront les distances sur lesquelles les taxes seront perçues ; elles n’exerceront donc pas une action favorable sur la recette nette, unique source de bénéfices pour les compagnies. Le gouvernement n’en réclamera pas moins la part qu’il s’est attribuée, comme si à toute augmentation du produit brut correspondait une augmentation proportionnelle du produit net.

Le projet de M. Genala sera attaqué, d’un côté par les partisans de l’exploitation par l’état, et de l’autre par le groupe des pentarques, c’est-à-dire des dissidens de la gauche, qui prétendent que le gouvernement ne doit pas seulement affermer les chemins de fer, qu’il doit les mettre en vente, mais qui négligent d’indiquer où se trouveraient les acquéreurs et les milliards pour payer une pareille acquisition. Malgré la coalition probable de ces deux sortes d’adversaires, l’adoption du projet nous semble imposée au parlement italien par les besoins du trésor public. Si les travaux de réfection jugés indispensables et urgens s’élèvent déjà à 133 millions, à quel chiffre monteront-ils si l’on tarde à arrêter la dégradation des lignes ? D’où viendraient les ressources nécessaires à ces travaux et aux nouvelles constructions, sinon d’une succession d’emprunts qui ruineraient pour longtemps le crédit renaissant de l’Italie ? L’adoption du projet de M. Genala ne laisserait subsister qu’une difficulté dont on ne peut se dissimuler la gravité : à des conditions aussi peu libérales, trouvera-t-on des actionnaires et des capitaux ?


CUCHEVAL-CLARIGNY.