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minimum de taille et la preuve d’une force physique en rapport avec leur emploi. Beaucoup sont petits et d’apparence chétive : soit maladresse, soit faiblesse, il leur arrive souvent de laisser échapper des malles même d’un poids médiocre, et la fréquence de ces accidens explique pourquoi l’on voit dans les gares italiennes tant de malles revêtues d’un véritable blindage qui leur permet de braver les chutes les plus dangereuses, la gare de Naples est peut-être la seule où le personnel inférieur ait une tenue à peu près convenable. C’est en parlementant avec les facchini et seulement à prix d’argent qu’on obtient d’eux qu’ils veuillent bien présenter vos bagages à l’enregistrement. La pesée a lieu au jugé, et le poids du même colis varie sensiblement d’une gare à l’autre. Si on veut partir de nuit ou de grand matin, on ne saurait s’y prendre trop à l’avance ; car le plus souvent il faudra éveiller le préposé aux bagages, qui se vengera de l’interruption de son repos par toutes les difficultés dont il pourra s’aviser, et ne cessera de pommeler qu’avec des bagages on pourrait bien faire choix d’une autre heure pour partir. Les mêmes ennuis et les mêmes exactions vous attendent à l’arrivée si, d’avance, vous n’avez fait choix d’un hôtel dont le représentant prend votre place ; mais gardez-vous, dans tous les cas, de rien laisser à la gare, car on ne peut attendre de probité d’un personnel aussi mal payé, et l’on met journellement en état d’arrestation des employés inculpés d’avoir fracturé et pillé les malles et les caisses confiées à leur garde.

Nombre de gens essaient de se soustraire à tous ces ennuis aux dépens de leurs compagnons de voyage. L’administration, qui ne permet pas qu’on garde avec soi la valise la plus portative si elle est en bois ou en cuir garni de clous, tolère l’introduction dans les voitures des colis les plus volumineux dès qu’ils n’ont point le caractère d’une malle ou d’une caisse. On abuse de cette tolérance peu raisonnée. Les Anglais encombrent d’une collection de sacs gigantesques, sous le poids desquels ils plient, les compartimens déjà trop étroits où l’air respirable ne tarde pas à manquer. Les Italiens, race économe, asphyxieraient tous leurs voisins plutôt que de payer un centime à leur gouvernement en sus du prix de leur place. Nous avons vu un paysan entrer bravement dans un wagon avec un matelas enveloppé d’une toile. Comment s’est-il accommodé avec ses voisins ? C’est là un mystère difficile à pénétrer ; car on restreint autant que possible de nombre des voitures et on y entasse les voyageurs avec une inexorable rigueur.

Le personnel supérieur ne laisse rien à désirer, hormis sous le rapport du formalisme bureaucratique. Ce formalisme, qui contraste avec l’expansion et la vivacité du caractère italien, fait comprendre