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la prolongation et permettrait à une petite localité de puiser ainsi à pleines mains dans la bourse des contribuables ? Combien de faits semblables pourraient être cités par nos compagnies françaises ! La grande majorité des lignes du Paris-Lyon-Méditerranée, et surtout de l’Ouest, ne couvrent pas leurs frais d’exploitation, auxquels il est subvenu par un prélèvement sur les recettes du petit nombre des lignes productives. En France, comme en Italie, le gouvernement, désintéressé dans le résultat final, et obéissant parfois à des raisons politiques, le plus souvent à de simples considérations électorales, ne s’inquiète point de la compensation que les compagnies ont à établir entre les charges et les recettes des diverses lignes, et leur impose des trains et des arrêts sans avoir égard à l’accroissement de frais que sa décision peut entraîner. Remettez l’exploitation à l’état, et le devoir de la commission du budget sera d’examiner en détail les comptes de chaque ligne pour ramener autant que possible l’équilibre entre la recette et la dépense en supprimant tous les frais qui ne seront pas justifiés par une utilité incontestable. La conséquence d’un pareil examen, fait avec quelque conscience et quelque impartialité, serait une réduction notable du service sur toutes les lignes où il n’existerait pas des élémens de trafic suffisans. Les compagnies ne demandent pas ces réductions de service, par esprit de conciliation, et parce qu’elles escomptent le développement graduel des recettes, qui ne manque jamais de se produire au bout d’une période d’attente ; mais le devoir interdirait au ministre des finances et au parlement des concessions semblables, qui équivaudraient à l’établissement d’une taxe dans l’intérêt et au profit d’un petit nombre de contribuables. Les intérêts locaux n’auraient donc point à s’applaudir du transfert de l’exploitation aux mains du gouvernement.

L’argument sur lequel il a été insisté le plus fréquemment et avec le plus de force dans l’enquête, est l’infériorité inévitable et constatée de tout gouvernement vis-à-vis des particuliers en tout ce qui touche à l’industrie et au commerce. Le gouvernement, a-t-on dit, est un très médiocre fabricant et un commerçant plus malhabile encore. Il construit plus lentement et plus coûteusement que l’industrie privée : plus lentement, parce que ses ingénieurs n’ont aucun avantage à économiser les pertes d’intérêts qui résultent de la prolongation des travaux et n’en tiennent aucun compte ; plus coûteusement, parce que l’exécution luxueuse d’un ouvrage d’art peut faire la réputation de celui qui en est chargé et devenir pour lui un titre à l’avancement, et puis parce que l’état n’a pas la même liberté d’action que l’industrie pour les marchés à passer et pour les matériaux à acquérir. Il est enfermé dans les limites du