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qu’il se préoccuperait de l’avenir autant que du présent et qu’il saurait tenir compte, non-seulement des profits directs, mais aussi du profit indirect qui résulterait pour lui de l’accroissement de la richesse nationale, et, comme il n’aurait intérêt à favoriser personne, il prendrait pour règle l’égalité dans les tarifs et dans les conditions de transport. On pourrait donc attendre de lui l’abaissement du prix des transports et la disparition de tous les tarifs spéciaux, différentiels et de retour, qui servent les uns et nuisent aux autres. Maître absolu d’abaisser ou d’élever les tarifs, il userait de ce pouvoir pour détruire les effets préjudiciables que les législations étrangères pourraient avoir pour l’industrie nationale.

Un autre argument était tiré des conditions défectueuses des lignes italiennes, de la médiocrité de leurs installations, de l’insuffisance de leur matériel roulant. Si elles devenaient partie intégrante du patrimoine national, disait-on, l’état veillerait avec soin à ce qu’elles fussent bien entretenues, il accroîtrait le nombre des voies, il agrandirait les bâtimens et aurait soin de les pourvoir de l’outillage le plus complet et le plus parfait, enfin il mettrait le matériel roulant au niveau des besoins de la circulation. Plus préoccupé d’assurer un bon service que de retirer un profit de son exploitation, il multiplierait les trains, il en accroîtrait la vitesse, il supprimerait les transbordemens, causes si fréquentes de retard pour les voyageurs et de détérioration pour les marchandises. Les procès qui en résultent seraient donc moins nombreux, et on pourrait compter sur un règlement plus prompt des indemnités dont le bien fondé serait reconnu.

L’état introduirait dans l’exploitation des chemins de fer l’uniformité, la régularité, la discipline et la probité que l’on ne conteste point aux administrations publiques. On remédierait aux inconvéniens de la centralisation en divisant le territoire en un certain nombre de régions et en établissant, par exemple, à Milan, à Florence, à Naples, des directeurs-généraux investis de pouvoirs étendus et pouvant trancher les questions d’importance secondaire sans qu’il fût nécessaire de recourir au ministre. Avec une bonne organisation, l’exploitation, concentrée dans les mains de l’état, ne serait pas plus coûteuse que l’exploitation par les compagnies qui auraient chacune des frais généraux à supporter. On faisait remarquer encore que l’état avait dû subventionner toutes les compagnies, qu’il avait été contraint plusieurs fois de venir à leur secours soit par des prêts et des avances, soit par des remaniemens des contrats de concession ; que toutes les mauvaises chances de l’exploitation étaient toujours retombées sur lui et qu’il était indifférent pour lui de les affronter directement ou d’en subir le contre-coup. Les