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elles ne constituent pas un engagement. Il nous faut davantage. Les Pays-Bas vont devenir le théâtre de la lutte. « Il est possible que l’Angleterre… prenne ombrage de l’envahissement de ces belles provinces et fasse semblant de croire que nous voulons les joindre à l’empire français. » Il importe de prévenir cette objection, de montrer les nécessités qui nous obligent à prendre l’offensive, de démasquer la coalition qui nous menace. « Ce concert, par lequel des puissances étrangères se réunissent pour influer sur la constitution que la France vient de se donner, n’est, dans le fait, qu’une grande conspiration des despotes contre les états libres. C’est un renouvellement des entreprises que forma jadis Louis XIV, et que formèrent après lui l’Espagne et la Suède, pour forcer l’Angleterre à rappeler les Stuarts. Nous ne craignons point qu’après avoir établi sa constitution sur le droit imprescriptible du peuple à réformer son gouvernement, à changer l’ordre ancien de succession au trône, le ministère et la nation britanniques veuillent entrer dans un concert qui porte atteinte chez un peuple voisin à ce principe auquel la Grande-Bretagne est redevable de sa prospérité. » L’Angleterre doit être rassurée sur nos intentions. « Nous déclarons que nous ne voulons point garder les Pays-Bas ni les joindre à notre empire. » L’Angleterre n’a point de motif de s’opposer à notre entreprise ; elle doit engager les Hollandais à demeurer neutres. Quel intérêt aurait-elle à soutenir une coalition de l’Autriche, de la Prusse, de la Russie qui les rendrait arbitres du Nord et de l’Orient, maîtresses de la Baltique et de la Mer-Noire ? Du reste, le succès de cette ligue est improbable : elle est divisée, les Français sont unis. Considérons les résultats possibles. La victoire de la coalition, c’est le démembrement de la France. L’Autriche prendra l’Alsace et la Lorraine ; mais elle ne sera pas seule à prendre ; les autres voudront des compensations, il y aura des partages en Allemagne, en Courlande, en Turquie, en Pologne ; l’Angleterre en souffrira, elle les doit prévenir. De plus, si la coalition triomphe, elle rétablira l’ancien régime, et avec lui l’alliance autrichienne et le pacte de famille. Voilà pour la première hypothèse. La seconde et la plus vraisemblable, grâce aux ressources du pays et à l’élan du patriotisme, c’est le succès de la France, et par suite le développement de ses immenses richesses commerciales. La France sortira de la lutte plus puissante et plus prospère. L’Angleterre doit choisir : entraver cet essor ou le seconder. Si elle nous combat, elle ruine notre commerce, mais elle ruine aussi le sien. Elle sera obligée, comme pendant la guerre de sept ans, de soudoyer des armées en Allemagne. Qu’y gagnera-t-elle ? Nos colonies ? Elles sont dévastées, en proie à l’anarchie, et d’ailleurs les Anglais y rencontreront les Espagnols et les